Repères - N°46 / Juillet 2020 - Le magazine de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - 15

DOSSIER

Simulation avant radiothérapie

Il arrive parfois qu'une femme enceinte
ait besoin d'une radiothérapie3. Une
situation délicate à gérer, les doses délivrées étant très au-delà de celles de la
radiologie.
« Lors d'une radiothérapie, le rayonnement atteignant l'utérus provient en partie
de l'accélérateur lui-même, en partie de sa
diffusion dans le corps de la patiente. Si on
peut réduire le premier avec un blindage
adéquat, on ne peut rien faire contre le
second », indique Serge Dreuil.
Pour adapter le traitement quelle que soit la
localisation du cancer et protéger l'enfant à
naître, une estimation préalable de la dose
à l'utérus est nécessaire. Elle est complexe.
Les physiciens hospitaliers la réalisent
rarement seuls. « Leurs outils sont performants pour calculer la dose reçue par les
organes situés dans le champ de traitement
ou à proximité. En revanche, ils sont moins
adaptés pour calculer la dose à distance, au
niveau de l'utérus. » D'où l'intérêt de faire
appel à une entité externe, comme l'IRSN.
Deux procédures sont alors possibles :
simuler par ordinateur - ce qui demande
plusieurs jours de calcul avec des machines
puissantes - ou agir sur place, à l'aide d'un
fantôme4 et de dosimètres.
Face à une situation de ce type, l' hôpital
de la Pitié-Salpêtrière à Paris a récemment fait appel à l'Institut pour éclairer
sa décision et déterminer la juste dose,
pour un risque maîtrisé (lire encadré
ci-contre). n

RADIOTHÉRAPIE

Un fantôme pour estimer la dose reçue in utero

Pour estimer la dose que recevra l'utérus pendant la radiothérapie, l'équipe utilise
ce mannequin composé de matériaux proches des tissus biologiques, équipé de dosimètres.

n janvier dernier, l' hôpital de
la Pitié-Salpêtrière (Paris) rencontre
une situation rare et délicate : une jeune patiente
enceinte, atteinte d'un cancer évolutif, doit être
traitée par radiothérapie sans tarder.
L'accouchement prématuré est inenvisageable,
sa grossesse n'est pas assez avancée.
L'établissement se tourne vers l'IRSN.
Ensemble, les physiciens de l'hôpital
et de l'Institut aident les radiothérapeutes
et les gynécologues à adapter le traitement
dans l' intérêt de la mère et de l'enfant.
Pour évaluer la dose que recevra le fœtus,
l'IRSN prête à l'équipe un fantôme corps entier
(photo), puis participe aux tests menés sur place.
« Après avoir placé les dosimètres dans le fantôme,
nous l'avons exposé aux conditions du traitement
et avons mesuré la dose reçue à l'emplacement
de l'utérus », décrit Serge Dreuil, physicien
médical à l' Institut.

Celui-ci récapitule tous les paramètres
du (ou des) examen(s) : type d' imagerie,
indices de doses propres à l'appareil, zone
anatomique traitée, nombre de passages
effectués, etc.
Le plus souvent, les estimations
concernent des scanners abdominauxpelviens, les plus irradiants pour le fœtus.
« Nous intégrons les données dans notre
logiciel de première intention. Si après
l'application d'une marge de sécurité, la
dose calculée ne dépasse pas le seuil de 100
mGy, nous nous arrêtons là. Sinon, nous
recourons à une méthode plus complexe.
Nous demandons les images de l'examen
pour avoir la morphologie précise de la
patiente et affiner le calcul. » En deux
jours ouvrés, les chargés d'expertise en
radioprotection médicale rendent leur
estimation. Tout se fait à distance, sauf
dans un cas particulier.

Ces tests a priori permettent d'estimer
les niveaux de dose attendus. Selon les résultats,
l'équipe peut modifier la technique
de radiothérapie - adapter l'angle des faisceaux,
réduire la taille des champs, modifier l'énergie
des photons - ou recourir à des protections,
tels caches et ponts en plomb au-dessus
de l'abdomen. Une situation comme celle-ci
peut mener à recommander une interruption
de grossesse. Si elle est impossible ou refusée,
le plan de traitement est adapté.
« Une radiothérapie dure plusieurs semaines.
Pour cette patiente, nous avons choisi de calculer
le moment auquel déclencher l'accouchement,
c'est-à-dire la dose à partir de laquelle le risque
pour le fœtus pourrait être supérieur aux seuils
connus, raconte Catherine Jenny, physicienne
médicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Elle a ainsi poursuivi sa grossesse pratiquement
au terme attendu. »

1. Etard C et Aubert B (2009) Radioprotection 44,
479-93

2. Pour comparaison, un scanner abdomen et pelvis

délivre une dose de 20 mGy, un scanner du rachis
lombaire, 25 mGy (valeurs indicatives).
3. Les incidences estimées des cancers du sein, du col
utérin et de la maladie de Hodgkin, nécessitant un
recours à la radiothérapie pendant la grossesse, sont
respectivement de 1/3000 à 1/10 000, 1/1000 à
1/6000 et 1 à 2/10 000 (Mazeron et al. 2016).
4. Mannequin simulant le corps humain.

À LIRE

Pour en savoir plus :

Fiche d'information � Grossesse et exposition aux
rayonnements ionisants �
www.irsn.fr/Grossesse-RI-patients
Fiche d'information � Estimation de dose utérine
pour une patiente enceinte �
www.irsn.fr/Grossesse-RI-patients

Un plan d'action est mis en place
après un incident
www.irsn.fr/R40

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