Aires Marines Protégées n°37 le marin du 8 juin 2017 - 2

Une fenêtre ouverte sur la grande faune marine
Le lancement du deuxième cycle des
campagnes de Recensement des
mammifères marins et autre mégafaune
pélagique par observation aérienne
(Remmoa) est l'une des actions
phares de l'Agence française pour la
biodiversité, pour 2017. Quel bilan pour
leur premier cycle?

PELAGIS / AFB

« Initialement, Remmoa visait la production d'un état
de référence de la répartition et de l'abondance de
la grande faune marine ultramarine : mammifères,
oiseaux, tortues, grands poissons..., explique Pierre
Watremez, conseiller scientiﬁque de l'AFB. Le deuxième cycle nous permettra, par comparaison, d'apprécier l'évolution des populations de ces prédateurs
supérieurs, indicatrice de l'état de santé de l'écosystème marin. »

Énorme potentiel d'analyses
« L'avion permet de couvrir de grandes distances rapidement pour fournir un instantané de la situation »,
explique Vincent Ridoux, directeur de l'observatoire
Pelagis et responsable scientiﬁque des programmes.
En huit ans, toutes les eaux tropicales des outre-mer
français ont été couvertes, et celles de certains pays
adjacents. Les navires et les macrodéchets ont aussi
été cartographiés.
Deux mille observations de mammifères ont été réalisées, 60 000 d'oiseaux, 1 700 de tortues et 2 100
de raies et de requins, 10 300 détections de macrodéchets... « Ces résultats enrichissent les banques de
données internationales. Ils ont fait l'objet de trois
thèses et recèlent encore un potentiel d'analyses
considérable », commente Vincent Ridoux. Certains
secteurs se distinguent, comme le canal du Mozambique et la mer de Corail, en Nouvelle-Calédonie,

Remmoa a fait faire un bond à la connaissance sur la grande faune marine pour un coût relativement faible.

remarquables par le nombre et la diversité des mammifères marins. Le sud-ouest de la Polynésie française
recèle, lui, de nombreux cétacés grands plongeurs
(cachalots, baleines à bec), mais peu de delphinidés, lesquels sont particulièrement nombreux aux
Marquises. Le premier cycle de Remmoa fournit aussi
des informations inédites sur les densités d'oiseaux
marins et sur les espaces qu'ils occupent au large.
Il a révélé la présence de dugongs au nord-ouest de
Madagascar, celle d'une zone de nourrissage de tortues luths à l'ouest de l'île, consacré Wallis-et-Futuna
comme un « hotspot » de requins-baleines ...
Durant ces campagnes, un eﬀort particulier a été
consacré à la sensibilisation du public. Un solide réseau d'observateurs locaux s'est par ailleurs consti-

De nouvelles données scientiﬁques de qualité

3 questions à...

WCS

Spécialiste de la conservation des
cétacés, quel intérêt scientiﬁque
voyez-vous à la campagne Remmoa ?

Dr Howard
C. Rosenbaum,
Directeur du programme
Ocean Giants, à la
Wildlife Conservation
Society (WCS)

tué. « Je m'occupais d'un programme sur les tortues
pour la Marine Conservation Society des Seychelles
lorsqu'on m'a proposé de participer à la campagne
dans l'océan Indien, raconte Devis Monthy, pêcheur
et naturaliste. J'ai signé tout de suite ! » Pamela
Carzon, du Groupe d'étude des mammifères marins
(GEMM), l'a rencontré à la campagne suivante, en
Polynésie française. « Nous avons ensuite co-encadré
une équipe d'observateurs en Nouvelle-Calédonie »,
témoigne-t-elle. « Nous nous sommes largement
appuyés sur les associations locales. Remmoa est
devenu un peu leur projet, conﬁrme Vincent Ridoux.
Elles utilisent maintenant nos résultats pour leurs
travaux et leurs actions de sensibilisation. Cela aussi,
c'est une réussite. »

Elle a permis de construire une
nouvelle plate-forme d'observation
aérienne, à une échelle géographique impressionnante. Cela
représente un apport signiﬁcatif de
données scientiﬁques de qualité,
très diﬃciles à obtenir d'une autre
manière, et complète les eﬀorts
conduits notamment par la Wildlife
Conservation Society (WCS) dans des
pays comme Madagascar.
Quelles relations la WCS

l'aire marine / numéro 37 / juin 2017

Madagascar a-t-il établi avec
l'équipe de Remmoa ?
Je me souviens de l'une des premières discussions avec les responsables de Remmoa, lors d'une conférence internationale sur les cétacés.
L'ambiance était très productive,
parce que nous nous comprenions.
La collaboration s'est donc faite
naturellement. Deux personnes de
notre équipe ont embarqué à bord
des avions, en tant qu'observateurs,
pour la campagne Remmoa dans
l'océan Indien, qui s'est déroulée de
décembre 2009 à avril 2010. Ils ont
pu apprécier la qualité de l'organisa-

tion et perfectionner leur savoir-faire
en matière d'observation aérienne de
la mégafaune.
Le deuxième cycle de Remmoa va
bientôt commencer. Pensez-vous
embarquer à nouveau ?
Pour la WCS Madagascar, Remmoa
a aussi été l'occasion de travailler
avec des collègues de la région.
Tout le monde a le sentiment de
s'être enrichi à travers ces échanges.
Donc, bien sûr, nous prendrons
sérieusement en considération toute
possibilité de travailler à nouveau sur
un programme Remmoa.

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