Aires Marines Protégées n°44 le marin du 2 mai 2019 - 2

2019, année du saumon

« Le cycle de vie du saumon est tellement formidable
que cela le rend vulnérable. », constate Bénédicte
Valadou, chargée de mission Stratégies et politique
nationale de l'eau et des milieux aquatiques à l'AFB.
Ce poisson migrateur naît en rivière, puis rejoint la
mer pour y grossir et revenir une ou des années plus
tard se reproduire dans la rivière qui l'a vu naître.
« Le fait de vivre en rivière et en mer fait que le saumon subit toutes les pressions qui s'exercent sur ces
milieux », souligne Bénédicte Valadou. Il doit lutter
contre la pollution mais aussi les obstacles physiques dressés par l'homme qui lui barrent la route
des frayères. Les cours d'eau peuvent être réaménagés - c'est le cas depuis de nombreuses années en
France - mais l'espèce est toujours menacée.
L'autre partie de l'équation se situe en mer. « Les saumons vont grossir dans les eaux froides des Iles Féroé
et du Groenland où ils se nourrissent d'invertébrés, ou
de petits poissons (hareng ou capelan par exemple).
Ils se déplacent en fonction des proies. Mais, aujourd'hui, les bancs sont de plus en plus maigres, la
concurrence plus importante et les courants défaillants à cause du réchauffement climatique. Les saumons mangent moins, ils sont moins gras et donc
moins forts quand ils doivent revenir se reproduire. »
L'autre problème du saumon en mer, c'est la pêche.
C'est une ressource très importante dans les pays
du nord de l'Europe, et une pratique ancestrale. La
pêche est interdite dans les Iles Féroé depuis 2012,
et, au Groenland, des quotas ont été instaurés. « Le

Jean-Pierre Borda / Agence française pour la biodiversité

Année internationale du saumon,
2019 permettra une concertation
mondiale pour promouvoir et étendre
la connaissance et la protection d'une
espèce pour laquelle chaque geste
compte en matière de conservation.

Retour aux sources pour ce saumon qui tente de rejoindre son site de naissance et de reproduction.

problème, c'est que dans ces eaux, les stocks de saumon sont mixtes, ils viennent de plusieurs pays, souligne Bénédicte Valadou. Au Groenland, les pêcheurs
ne savent pas s'ils ont affaire à des saumons qui
viennent de rivières où les populations sont menacées. C'est une problématique très locale, qui devient
très vite internationale. »
L'année internationale du saumon décidée en 2019,
permet aux nations concernées de se coordonner
pour aider l'espèce à survivre.
« Un plan vient d'être adopté au niveau français, et il
sera présenté aux autres nations et ONG qui font partie
de l'organisation, explique Laurent Beaulaton, chef de
pôle Recherche et développement migrateurs amphihalins à l'AFB. Ce plan présente une vue d'ensemble des

Développer une production raisonnée

3 questions à...

D'où provient le saumon servi sur les
tables françaises ?

Pascal Goumain
Président du groupe
AMP / Saumon de France
(Cherbourg)

actions menées en faveur du saumon, en particulier au
titre des plans de gestion des poissons migrateurs. » Le
Plan saumon reprend la réglementation nationale, et
les différents plans de gestion, établis par grand bassin. « Il y a neuf bassins, et le cadre national est adapté
au niveau local. Cela permet une gestion plus fine et
contrastée, détaille Laurent Beaulaton. La particularité
de ces comités de gestion, c'est qu'ils rassemblent à la
fois l'État, les collectivités, et les acteurs : pêcheurs, riverains, hydroélectriciens... qui établissent des plans de
gestion d'une durée de six ans. Les pratiques doivent
être adaptées au niveau local et concertées. En Bretagne et en Normandie, il y a par exemple des quotas
pour les pêcheurs amateurs, ce qui n'existe pas sur
l'Adour. »

Très peu de France. Nous ne sommes
que deux élevages en France et nous
avons l'autorisation de produire
3 200 tonnes. La consommation
de saumon, sous toutes ses formes,
atteint 250 000 tonnes. Il y a
aujourd'hui plus de demande que
d'offre, et ce qui est un peu frustrant,
c'est que les conditions de développement de la filière en France sont
très restrictives, de notre point de
vue. Elles ne permettent pas de nous
rapprocher des élevages écossais,
irlandais ou norvégiens. En trente
ans, nous avons perdu 30 % de nos
volumes en France, alors que l'aqua-

l'aire marine / numéro 4 4 / mai 2019

culture mondiale a été multipliée par
douze.

logique de permaculture, avec une
notion d'élevage extensif.

Le saumon d'élevage a un impact sur
son environnement. Quels sont les
risques du développement de l'aquaculture sur le saumon sauvage ?

C'est ce qui permet à l'aquaculture
française de se différencier ?

Ils sont de plusieurs natures : il y a
des saumons qui se sont échappés
en Norvège et en Écosse, ce qui occasionne une « pollution » génétique
du saumon sauvage. Il y a également
la transmission de maladies et de
parasites, le recours trop intensif aux
pesticides et aux traitements médicamenteux. C'est le degré d'intensification de l'élevage qui pose problème.
Notre logique à nous est plus une

Nous produisons douze kilos de poisson
au mètre cube. Le Label rouge permet
de monter jusqu'à quarante. Il n'y a pas
de traitement antibiotique. Le saumon
est pêché le matin et livré l'après-midi
même. Ce n'est pas un produit de
luxe, mais un produit premium. Il faut
développer une production raisonnée,
pas une production industrielle. Un
poisson à trois euros le kilo, ce n'est pas
possible. Un produit sain qui ne salit
pas l'environnement, cela vaut peutêtre la peine de le payer plus cher.

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