Aires Marines Protégées n°60 le 16 novembre 2023 - 2

La restauration du milieu marin en marche
Coorganisées par l'Office français de
la biodiversité (OFB) et l'Ifremer, les
premières journées scientifiques et
techniques consacrées à la restauration
des milieux marins se sont tenues à
Nantes en juin dernier. Une matière
récente et encore en devenir.
« La restauration écologique se trouve au cœur d'un
triptyque : recherche, innovation et gestion. » Marc
Bouchoucha, chercheur à l'Ifremer, travaille sur
la restauration écologique depuis 2011. C'est une
question éminemment complexe où il n'existe pas
de réponse unique. « La première approche, c'est
la levée des pressions qui pèsent sur l'écosystème.
On le laisse ensuite évoluer tout seul. » Si cela permet
à la biodiversité de se réinstaller, c'est aussi la
restauration du temps long. « La restauration est
la plus acceptée et la plus efficace », estime Marc
Bouchoucha, en citant l'exemple de l'étang de Thau
(Hérault) où la diminution des pollutions humaines
a favorisé la biodiversité. Il est aussi possible de remettre
en place des « espèces ingénieures » comme
l'huître plate qui crée des récifs. De nouveaux habitats
se développent ainsi.
« On peut aussi recréer des habitats grâce aux récifs
artificiels. On restaure des fonctions écologiques dans
un temps plus court », note le chercheur. Cette approche,
dite « active », a été largement adoptée en
Méditerranée. « Si elle peut présenter certains avantages,
cette méthode pose néanmoins question : on
répond à la dégradation par l'artificialisation. On redonne
des fonctions écologiques, mais on ne connaît
pas les impacts à grande échelle : en soutenant la
biodiversité, on favorise aussi les espèces non-indigènes.
Parfois, le remède peut être pire que le mal. »
Ces questionnements montrent la complexité d'une
matière encore très jeune. « Il y a aujourd'hui un besoin
de partage d'expérience », indique Diane-Laure
Contrôle et surveillance : encadrer les usages permet de diminuer les pressions à la source.
Sorrel-Cros, chargée de mission génie écologique à
l'OFB, qui a coorganisé les premières journées techniques
consacrées à la restauration écologique des
milieux marins avec l'Ifremer à Nantes en juin dernier.
« Nous avons rassemblé l'ensemble des acteurs,
des scientifiques aux gestionnaires en passant par les
bureaux d'études représentant toutes les façades de
l'Hexagone et des Outre-mer. C'est la première fois
qu'un dialogue s'établit à ce niveau et cela montre
le besoin de mise en commun et de transferts de
savoirs. » « Un consensus s'est dégagé pendant ces
journées : dès lors que l'on encadre des usages, que
l'on diminue les pressions à la source, c'est déjà de
la restauration », rapporte Isabelle Gaillard-Rocher,
chargée de mission recherche sur le milieu marin à
l'OFB.
Au-delà de ce type de restauration dite passive,
il y a aussi un besoin de modéliser les conséquences
des restaurations actives. « C'est là qu'il
faut remettre la science au premier plan, estime-telle,
pour caractériser et apporter des arguments
scientifiques, définir la trajectoire des écosystèmes
et anticiper leur évolution temporelle à l'issue des
opérations de restauration. » Ces questions sont
d'autant plus d'actualité qu'un projet de règlement
européen relatif à la restauration de la nature est
en cours d'élaboration pour inverser la perte de
biodiversité. Des objectifs juridiquement contraignants
doivent être fixés. Ils pourraient concerner
30 % des habitats qui ne sont pas en bon état d'ici
2030 et devenir encore plus ambitieux dans les
décennies à venir.
3 questions à...
La priorité, c'est de faire baisser les pressions
Comment abordez-vous la question
de la restauration écologique en
Méditerranée ?
Frédéric Villers
Chargé de mission
délégation de façade
Méditerranée à l'Office
français de la
biodiversité (OFB)
D'abord, en n'oubliant jamais que l'on
ne restaure un milieu que lorsqu'il est
trop tard, qu'il est déjà dégradé. La
priorité, c'est d'enlever les pressions
sur les habitats, c'est ce que certains
nomment restauration passive. Mais
lorsque la recolonisation naturelle
peine à retrouver une dynamique,
nous trouvons des moyens pour l'accélérer
: c'est la restauration active. Cela
doit se faire sur la base de travaux
scientifiques. La restauration en ellemême
n'est pas toujours suffisante.
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Quand on installe un récif artificiel,
par exemple, il faut réglementer la
pêche alentour et surveiller le respect
de cette réglementation.
La restauration est-elle aujourd'hui
un aspect fondamental de la préservation
de la biodiversité ?
Il y a aujourd'hui une volonté forte
d'aller vite pour restaurer la biodiversité.
Mais il ne faut pas oublier d'aller
vite aussi pour la protéger. Le problème
complexe auquel nous faisons
face, c'est d'équilibrer les moyens mis
en œuvre entre la restauration - dont
de nombreuses actions sont encore
au stade de la R&D -, la protection et
la surveillance. Il ne faut pas opposer
ces trois leviers.
Quelles sont les actions en cours
menées par la délégation de façade
Méditerranée sur la restauration ?
Nous focalisons nos efforts sur la
restauration passive en enlevant des
pressions via des mesures de protection
et l'appui à la surveillance. Sur l'herbier
de Posidonies, par exemple, nous
coordonnons la rédaction d'un guide à
l'échelle de la Méditerranée regroupant
plus de 25 scientifiques de 10 pays pour
établir des lignes directrices.
© Yann Souche / OFB

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