Produits de la mer - n°176 - octobre 2017 - 33

Dossier ❘ CREVETTES D'EXCEPTION

Cette espèce
de belle taille
grandit près des lagons
calédoniens et s'exporte
sur les marchés
les plus rémunérateurs,
Japon en tête.

riginaire de la côte ouest du
Mexique, la crevette bleue
a élu domicile en NouvelleCalédonie au début des
années 80. Sa couleur caractéristique à
l'état cru lui a donné son nom de gambas bleue mais les scientifiques de l'Ifremer
dénomment l'espèce litopenaeus stylirostris. De taille moyenne - entre 61-80 pièces
par kilo pour les plus petites et 21-25 pour
les plus grosses - cette crevette avoisine
26 € kg dans les belles tailles chez les grossistes français spécialisés.
Un prix à la hauteur des qualités gustatives revendiquées par ses éleveurs et
reconnues par les chefs japonais qui ont
tôt fait de repérer la belle. Appréciée également aux États-Unis et en Australie, la stylirostris a pris ses marques en Europe et au
Moyen-Orient.
La rareté du produit explique aussi son
positionnement haut de gamme. Avec
1 600 tonnes produites sur la dernière
campagne, c'est une goutte d'eau dans
la masse de crevettes produites dans
le monde. Par conséquent, un mode
de production raisonné et une obligation de résultat gustatif se sont imposés
d'emblée. La Sopac qui achète et exporte
environ 1 100 tonnes de crevettes bleues
suit un cahier des charges contrôlé par
Bureau Veritas et applicable de la ferme
jusqu'à la transformation. Contrairement
à la crevetticulture asiatique, l'élevage
est peu intensif, avec une densité inférieure à 400 g/m2. L'eau du lagon alimente les bassins à fond naturel d'environ
un mètre de profondeur et de sept hectares en moyenne, situés en bordure de
mangrove sur le domaine public maritime. L'alimentation à base de protéines
marines et végétales est garantie sans
OGM et les antibiotiques sont proscrits.

Tracée depuis la récolte jusqu'à l'expédition, la crevette entière suit un double procédé de surgélation avant conditionnement : « elle passe d'abord sous une douche
de saumure à -23 °C avant d'aller en tunnel 20
minutes où la soufflerie ôte la saumure. C'est
un process semi-IQF où la première étape est
déterminante dans la qualité finale », explique
Dag Naess. L'ex-directeur de la Sopac, qui a
racheté sa filiale française Prestige Seafood
cet été, détient l'exclusivité de la commercialisation en Europe. « Nous travaillons principalement avec des grossistes régionaux spécialisés et un peu en direct avec des restaurants
et des poissonniers. Sur le terrain commercial,
nous disposons d'un nouvel argument commercial avec la certification ASC que la Sopac
a reçu en mai dernier. »
Même si le marché calédonien devient
attractif, l'export est prioritaire pour toucher
les marchés les plus rémunérateurs. La principale limite vient des résultats techniques
dans les élevages, en particulier dans les
écloseries : « c'est le maillon faible avec un
manque de post-larves, reconnaît Dag Naess,
mais la mise en place d'un programme de
sélection génétique ciblant la résistance aux
maladies et une meilleure croissance est un
travail essentiel. » Pour relancer une production qui a culminé à 2 400 tonnes en 2006.
Le projet pilote, coordonné par le Sysaaf (1)
et le Centre technique aquacole de SaintVincent, doit déboucher sur une souche
plus performante de crevette bleue. ■
(1) Syndicat des sélectionneurs
avicoles et aquacoles français

bleue

Rare et délicate crevette

La crevette bleue compte de belles références :
Chez Lili (Hôtel Peninsula), Apicius (Jean-Pierre Vigato), L'Escudella et
le Café de la Paix à Paris, Le Quinzième et Au bar des Prés (Cyril Ligniac)...

L'atout territorial

a filière calédonienne comprend 19 fermes (14 en province Sud et 5 en province Nord)
exploitant une surface de 723 hectares. Quatre écloseries fournissent en post-larves
une centaine de bassins de grossissement en terre. L'ensemencement oscille entre 19 et
22 post-larves/m² et les pêches interviennent six mois plus tard, entre décembre et juin.
La crevette fait alors une taille moyenne de 28 g. Les plus gros spécimens, environ 43 g,
s'obtiennent en huit ou neuf mois.
Deux fabricants locaux d'aliments sont impliqués dans la filière, ainsi que deux unités de
surgélation et de conditionnement : Sopac, la plus importante, et La Pénéïde de Ouano.
En 2015, 279 permanents et 447 saisonniers travaillent dans la filière : 48 % dans les fermes,
41 % à la transformation et 11 % répartis entre écloseurs et provendiers.
Selon les professionnels de la filière, la crevetticulture génère 30 millions d'euros de
chiffre d'affaires.

PRODUITS DE LA MER N°176 OCTOBRE 2017

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