produits de la mer - n°195 - Septembre 2019 - 36

Dossier ❘ HUÎTRES

« Au fond, on ne sait pas
ce que veut le consommateur »
Faut-il informer le consommateur sur l'origine des huîtres, d'écloserie ou
née en mer ? Distinguer les triploïdes, aussi dites « des quatre saisons » ?
Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture (CNC),
a décidé de lancer une large consultation sur la question de l'étiquetage
des huîtres. Un travail où il attend que toutes les parties s'expriment.

Philippe Le Gal : C'est un dossier qui traîne
depuis des années avec des débats qui sont
allés jusqu'au niveau de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or, il faut d'abord voir au
niveau de la profession s'il y a des choses
à faire. Il sera toujours temps, ensuite, de
légiférer sur le sujet s'il y en a besoin. Cette
question de l'étiquetage, auquel je préfère le terme de classification puisqu'on en
revient à parler d'identification des huîtres,
peut aussi prendre la forme d'un accord
interprofessionnel. Il a aussi force de loi.
Avant cela, il faut étudier le dossier. Je veux
donc mettre les choses à plat. Des gens
s'expriment dans les médias mais au fond,
on ne sait pas ce que veut le consommateur. L'idée est quand même de leur dire des
choses. Notre but est donc de réaliser une
étude auprès des acteurs de la filière amont
et aval, des politiques qui s'intéressent à
nous, des associations de consommateurs
et aussi peut-être des ONG.

Quelle forme prendra cette étude ?
Nous avons embauché au 1er juin une personne en contrat à durée déterminée au
CNC pour une période de neuf mois. Avec
Thierry Hélie, vice-président du CNC, et
moi, elle va mener des entretiens auprès
des personnes citées précédemment. Nous
voulons récolter leurs avis sur la meilleure
manière, selon eux, d'identifier le produit.
L'étiquetage peut être divers et varié. Quelle
est donc la meilleure information à mettre ?

PDM : Pourquoi avez-vous décidé de
reprendre la main sur le dossier de l'étiquetage des huîtres ?

mois
pour consulter
les acteurs et en tirer
le bilan.

L'amendement proposait d'étiqueter les huîtres selon qu'elles sont issues
d'écloserie ou nées en mer...
La difficulté majeure est : comment fait-on
la différence ? Quand un contrôleur vérifiera si l'étiquette dit la vérité, comment
fait-il ? Si on a un étiquetage que l'on ne
peut pas contrôler, cela n'a aucune utilité.
Quand vous prenez une diploïde d'écloserie ou née en mer, ce sont les mêmes génétiquement. Comment les identifie-t-on ? La
traçabilité en mer n'est pas la même que
sur terre. Quand vous mettez un champ

Une distinction adoptée puis retoquée

L.F.

❘ 36 ❘

es ostréiculteurs valorisent l'origine naturelle des huîtres et
militent pour un affichage obligatoire. Cette question de l'étiquetage a connu une fin d'année 2018 mouvementée sur le terrain
politique. Tout a commencé par l'adoption surprise, par l'Assemblée
nationale, de l'amendement porté par la députée Sandrine Le Feur
(La République en marche) instaurant à partir de 2023 un étiquetage
différenciant les huîtres issues d'écloserie et nées en mer. Confirmé
par le vote de la loi Agriculture et alimentation, le 2 octobre, l'amendement devenu article de loi est invalidé, comme 22 autres, par le
Conseil constitutionnel le 25 octobre. La décision est justifiée par l'absence de lien « même indirect, avec le projet de loi initial ».

PRODUITS DE LA MER N°195 SEPTEMBRE 2019

de carottes à un endroit, il ne bouge pas.
En mer, il y a des tempêtes, des courants.
Les huîtres ne sont pas figées. Ceci est un
constat. Mais laissons se dérouler l'étude.
D'autres avis s'y exprimeront. Il y a peutêtre des demandes d'identification auxquelles personne n'a pensé et qui vont
apparaître. Je ne veux fermer aucune
porte, ni donner l'impression d'orienter
les débats. À la fin des entretiens, nous
aurons, je l'espère, une vision générale de
ce qui nous est demandé. Nous en ferons
une synthèse et le rapport sera remis à la
profession et au ministre de l'Agriculture.

Quelle échéance vous êtes-vous
fixée ?
Nous visons février-mars.

Pensez-vous que ce débat sur l'étiquetage soit la priorité aujourd'hui
pour l'ostréiculture ?
La classification des huîtres fait partie des
sujets à traiter. Nous sommes dans une
société où l'identification des produits est
devenue importante pour le consommateur. Mais j'ai aussi à défendre notre place
sur le littoral, à nous permettre d'exister. En
20 ans, nous avons perdu 3 000 hectares
de surface conchylicole en parcs de production au niveau national. Un autre enjeu
majeur est celui de la qualité de l'eau. Sans
elle, on ne fait pas d'huîtres. Après, il faut
les vendre et donc les identifier. Tous ces
dossiers posent le problème des moyens
humains à disposition. ■

produits de la mer - n°195 - Septembre 2019

Table des matières de la publication produits de la mer - n°195 - Septembre 2019