produits de la mer - n°195 - Septembre 2019 - 44

Dossier ❘ MOULES

Il y a une intelligence collective
"
dans la gestion des moules AOP
« Le comité AOP est une
nécessité pour la profession
mais on ne se bagarre pas
pour être président »,
sourit Éric Hodbert,
en charge du comité
depuis 2012.

La saison des moules de bouchot AOP de la baie
juillet.
du mont Saint-Michel a débuté le 31 juillet.
é AOP
Rencontre avec Éric Hodbert, président du comité
AOP..

Éric Hodbert : La moule de bouchot de la
baie du mont Saint-Michel a été le premier
produit de la mer à décrocher un label AOP,
en 2006. Mais ça ne s'est pas fait tout seul.
En 1993, des mytiliculteurs avaient planché
sur un cahier des charges et entamé une
longue démarche de labellisation. En 1998,
l'Institut national des appellations d'origine
(Inao) (NDLR, devenu Institut national de
l'origine et de la qualité) était prêt à tout
valider ; pas les professionnels, dont une
partie avait fait machine arrière. Il a fallu
attendre 2003 pour que tout reparte. Trois
ans plus tard, on signait.

Quels sont les atouts de la baie du
mont Saint-Michel ?
Ce qui fait notre force, c'est qu'il n'y a pas
de captage car l'eau est un peu trop froide
et la force des courants empêche les larves
de se fixer. Sans captage, il n'y a donc pas
de compétition alimentaire et tous les

nutriments du benthos profitentt pleinement à nos moules. De plus, la taille
lle de
l'estran, immense, fait de ce secteur
eur
un véritable eldorado pour la mytiiliculture.

Pourquoi toute la production de la baie n'est-elle pas
labellisée ?
Le démarrage de la saison de la moule AOP
fait l'objet d'un protocole précis imposé par
le cahier des charges. Ceux qui vendent leur
produit en juin et juillet, avant le lancement
officiel de la saison, le font en STG (spécialité traditionnelle garantie). Pas pour des
raisons de trésorerie mais parce que la pression venant des circuits de distribution est
trop forte. Les gens veulent manger des
moules.

Que vous a apporté la labellisation en
AOP ?

B.S.

PDM : Comment est né le label AOP
dans la baie du mont Saint-Michel ?

opérateurs
produisent chaque
année autour de

10 000

t
de moule AOP
pour un chiffre d'affaires
de l'ordre
de

M€.

Elle nous a bien aidés. La demande est
devenue plus forte sur les moules de bouchot dont, à une époque, on disait que

Des moules sous haute surveillance

e cahier des charges de la moule AOP est drastique. Afin de garantir aux consommateurs un taux de chair de 25 % minimum et une taille supérieure ou égale à 4 cm sur
80 % du lot, les producteurs ont mis en place une scrupuleuse et contraignante liste d'obligations. Jugez plutôt : sur les pieux de la zone de Cherrueix, l'ensemencement est limité à
65 %, et à 55 % sur le super est. Chaque année, ce taux d'ensemencement est contrôlé par
un agent habilité par l'organisme certificateur Certipaq. De multiples
contrôles de traçabilité identifient chaque lot et, une fois pêchées,
les moules ne doivent pas rester plus de huit jours en bassin, et sept
jours en réserve sans que le cumul des deux n'excède dix jours. Une
fois la saison de l'AOP lancée, une commission organoleptique se
réunit tous les 15 jours à la Maison de la baie du Vivier-sur-Mer.
N'allez pas imaginer un grand banquet convivial où l'on se gave
de moules en plaisantant avec son voisin. Professionnels, techniciens et consommateurs y remplissent scrupuleusement et chaDR
cun dans son coin de fastidieux fichiers descriptifs.

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PRODUITS DE LA MER N°195 SEPTEMBRE 2019

c'était un produit d'appel. Ça a longtemps
été l'argument de la grande distribution
pour nous expliquer qu'ils ne pouvaient
pas augmenter leur prix d'achat. Quand
on les voit désormais à 6 euros/kg à l'étal,
on ne peut plus dire ça. Surtout quand on
sait qu'elles sont à 2,50 euros au départ
de chez nous.

Les prix sont harmonisés chez tous les
producteurs ?
Je suis toujours prudent avant de citer
des prix car des variations existent.
Globalement, livrée en sac de 15 kg non
débyssussée, la moule de bouchot AOP
de la baie du mont Saint-Michel tourne
autour de 2,40-2,50 euros/kg. Comptez
2,60 à 2,70 euros/kg si elle est débyssussée. Il existe aussi le haut du panier avec
des sociétés comme Mytilimer qui proposent aujourd'hui une qualité un peu premium pour leurs plus grosses moules.

Qu'a changé l'AOP dans la relation
entre les professionnels ?
La première année de l'AOP, 65 % des
mytiliculteurs y ont adhéré. Ils étaient
80 % l'année suivante et 100 % en 2009.
Il y a une cohésion entre les professionnels
et une intelligence collective dans la gestion de la baie, que ce soit au niveau du
respect du milieu ou de la limitation du
nombre de pieux dans la baie. L'année dernière, 89 % des 11 900 tonnes de moules
produites dans la baie l'ont été en AOP.
Propos recueillis par Bruno SAUSSIER

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