produits de la mer - n°196 - Octobre 2019 - 31

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Les enzymes à l'assaut des moules

La force de ce schéma, c'est que les deux
produits obtenus sont sains. "

ANTOINE PRÉVOST,
DIRECTEUR MARKETING, DÉVELOPPEMENT
ET INNOVATION DE MYTILIMER
L'enjeu est de limiter les rejets de petites moules sur
l'estran et en mer, à la hausse depuis que la mécanisation de la récolte implique de pêcher toute la production d'un bouchot plutôt que de prélever à la
main les grappes extérieures. « Les moules sous taille
représentent entre 15 et 30 % de la production de
moules de bouchot en France », estime le groupement. D'autres sources font état d'environ 20 % de
la récolte sous la taille marchande rendus à la mer
après tri. Ce qui est de moins en moins toléré par les
riverains, dénonçant des nuisances visuelles et olfactives. Les mytiliculteurs ont stoppé les dépôts en tas

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[ Les étapes du projet ]
Principe

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Mytilimer

L'hydrolyse enzymatique sépare
la chair de la coquille pour
en ressortir un jus de chair
(l'hydrolysat) et des coquilles
propres.

R & D

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Ce procédé est éprouvé dans
d'autres domaines. La première
phase (études et tests), un
investisement de 500 000 euros,
a porté sur la recherche du bon
cocktail enzymatique, avec un
partenaire, Ivamer. Un brevet a
été déposé. Ces deux dernières
années, le process a été testé et
validé en pilote de laboratoire.

Horizon 2022
Le site pilote, pour un
investissement de 800 000 euros,
doit être installé en juin 2020, avec
l'objectif de traiter 330 tonnes.
Puis Mytilimer se donne deux
ans pour ouvrir une usine avec
l'ambition de traiter 1 500 tonnes
par an.

Débouchés
Avec l'hydrolysat, Mytilimer vise
l'alimentation animale, voire
le complément alimentaire.
L'alimentation aquacole est
explorée. La difficulté est
d'intégrer de la matière première
liquide, mais le jus peut être
reconcentré jusqu'à
produire une
pâte. Les coquilles,
broyées, peuvent
être utilisées
dans le bâtiment,
le bioplastique,
l'amendement des sols...

Stéphane Maillard / Mytilimer

S.L.R.

Le groupement Mytilimer, qui commercialise
11 000 tonnes de moules par an entre ses six producteurs associés et ses partenaires, a annoncé fin
août l'installation prochaine d'un pilote, entre ses
sites de Cancale et du Vivier-sur-Mer, pour valoriser
les petites moules.

et se limitent à des rejets diffus, mais il n'est pas sûr
que cette tolérance perdure.
L'initiative de Mytilimer pour y remédier repose
sur l'hydrolyse enzymatique, qui sépare la chair de
la coquille. Une solution « économique et environnementale », développée par Mytililab, filiale de
Mytilimer. « L'outil pilote permettra de tester les produits chez des partenaires pour valider la partie valorisation et donc le modèle économique, explique
Antoine Prévost, directeur marketing, développement et innovation à Mytilimer. La force de ce
schéma, c'est que les deux produits sont sains, les
coquilles ne comportent plus du tout de chair. Il y a
vraiment des marchés potentiels. »
À terme, Mytilimer espère traiter 1 500 tonnes
de moules, avec un gisement provenant à la fois de
Normandie et des baies du mont Saint-Michel et de
Saint-Brieuc. Le groupement reçoit déjà des récoltes
de ces sites. Ce projet impliquerait qu'on lui confie de
plus en plus de vrac et qu'il assure la phase de calibrage, afin « d'intégrer le traitement de ce produit
dans le process global ». Et pourquoi pas, ouvrir l'outil
à d'autres coquillages, pour couvrir plusieurs saisons.
D'autres projets mûrissent en parallèle, depuis cinq
à six ans, pour valoriser ces petites moules riches en
nutriments : elles ont les mêmes qualités que les
grandes, sauf la taille. Ainsi, le groupement Cultimer
porte un projet de méthanisation, pour produire de
l'énergie à partir de la matière organique, et des
coquilles. Une thèse est à mi-chemin, « nous allons
entamer les essais en pilote de laboratoire », indique
Jean-Marie Grosmaître, de Cultimer. Le comité régional de la conchyliculture (CRC) de Bretagne nord est
aussi impliqué dans le test d'un « écodigesteur »
au Vivier-sur-Mer, l'Écocrobe, pour un débouché en
agriculture. Et le CRC de Normandie-mer du Nord
a validé la faisabilité technique du compostage de
petites moules avec des déchets verts (projet Valmoco
en 2015-2016). Il a l'intention de le mettre en place
dans le secteur de Coutances. Tandis qu'Axel Brière,
mytiliculteur en Bretagne sud (Pénestin), associé à
d'autres producteurs dans Mussella, avance sur son
projet de séparation et de valorisation de la chair de
petites moules pour l'alimentation humaine.
Personne ne prétend avoir la solution miracle,
mais beaucoup cherchent, encouragés par les pouvoirs publics. Les divers projets sont complémentaires et l'enjeu est d'installer des unités de valorisation proches des gisements, pour organiser la collecte
et résoudre l'équation économique : valoriser suffisamment ces produits, saisonniers, pour couvrir les
coûts, notamment énergétiques. Des centaines, voire
des milliers de tonnes sont en jeu.

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Mytilimer va construire un pilote
en baie du mont Saint-Michel pour
valoriser les moules sous taille. Par
hydrolyse enzymatique, le procédé
aboutit à un jus riche en protéines
et à des coquilles propres.

Solène LE ROUX

PRODUITS DE LA MER N°196 OCTOBRE 2019

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