produits de la mer - n°201 - Juin-juillet 2020 - 14

Actu ❘ REGARDS CROISÉS

Alexandre Bonneaux

Jean Mauviel

Secrétaire général du Syndicat national du commerce
extérieur des produits congelés et surgelés (SNCE)

Directeur général
de la Maison Chancerelle

Chacun doit
bien payer son
fournisseur ! "

Le surgelé a-t-il mieux résisté à la
crise sanitaire que d'autres segments de
la filière des produits de la mer ?

Les mesures d'aides prises par
le gouvernement ont-elles été à la
hauteur ?

Comment le secteur de la conserve de
produits de la mer traverse-t-il cette crise
sanitaire ?

Cela dépend de la typologie-client de nos
adhérents. Ceux qui travaillent plus avec la
RHD souffrent beaucoup, avec notamment
une restauration collective réduite au
minimum (hôpitaux...) et une restauration
commerciale à l'arrêt. L'activité GMS,
particulièrement au début du confinement,
a, elle, connu une augmentation de volumes,
qui décroît néanmoins au fil des semaines.

Le point fondamental sera la reprise de la
restauration. En attendant, de nombreuses
entreprises ont sollicité les diverses mesures :
chômage partiel, prêts garantis par l'État...
Mais la situation des restaurants ne doit pas
perdurer. Nous suivons le dossier de près
avec l'Association nationale des industries
alimentaires (Ania) et nous manquons de
visibilité. Beaucoup espèrent une reprise
à partir de juin, tout en appréhendant
les réactions des consommateurs et en
n'imaginant pas un marché véritablement
retrouvé avant début 2021.
Nous travaillons aussi à ce que les
entreprises les plus directement connectées
avec le marché de la restauration, et qui en
sont vraiment dépendantes, bénéficient des
aides spécifiques - en termes d'exonérations
de charges fiscales et sociales -, qui seront
établies pour ce secteur.

La semaine qui a suivi le discours
d'Emmanuel Macron, tenu le lundi 16 mars,
veille du confinement, a été la plus difficile. Il
a oublié la pêche, l'agriculture et l'industrie
en considérant quasiment que tous les
postes étaient « télétravaillables » ! Or, il
nous fallu organiser la continuité de cette
industrie alimentaire, décrite ensuite comme
la seconde ligne.
Après, nous assurons deux activités. La
première est la fabrication et la constitution
d'un stock, d'environ six mois de vente.
La deuxième, son expédition vers les
plateformes de la GMS. D'emblée, les ventes
se sont envolées, avec +40 %, sardine et
maquereau en tête. Et le rythme n'a pas faibli
durant l'intégralité du confinement.
Sur la production elle-même, nous avons
eu la chance de ne pas se trouver dans une
période de forte activité, au cœur d'une
saison de pêche. Nous étions plutôt sur
de la fabrication de produits élaborés, ou
à partir de poisson congelé. Néanmoins,
l'absentéisme est passé de 10 % à 20 %, et le
respect des nouvelles règles sanitaires et des
nouveaux protocoles (gestes barrière, flux
de personnels, aménagements de postes...),
nous ont amenés à réduire notre productivité
de 30 %.

Les opérateurs ont-ils été confrontés à
des problèmes spécifiques ?

Ils ont eu des craintes sur l'approvisionnement, la capacité à produire des fournisseurs étrangers confrontés eux aussi à la
pandémie, la fermeture des frontières et
l'administratif, en lien avec l'enlèvement de
la marchandise. Mais l'administration a joué
le jeu et a favorisé la fluidité en acceptant,
dans un premier temps, de se passer des
documents originaux pour libérer la marchandise. Nous avons aussi eu peur d'être
débordés en matière de capacité de stockage dans les entrepôts, les produits à destination de la restauration étant immobilisés et
d'autres continuant à arriver. Mais cela s'est
bien passé.
Y a-t-il eu permutation des marchés ?
En termes de consommation, il y a
néanmoins au final et globalement, une
baisse de volumes. Les marchés perdus
sur la RHD n'ont pas été intégralement
compensés par la GMS. Heureusement, de
nombreux adhérents sont des fournisseurs
des deux secteurs. Un choix de précaution
qui se révèle judicieux.

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PRODUITS DE LA MER N°201 JUIN-JUILLET 2020

Cette crise pourrait-elle aboutir à de
nouvelles relations entre les différents
acteurs de la filière ?

Dans un premier temps, il est important
de rappeler que chacun doit bien payer
son fournisseur ! Ce sont les défauts de
paiements qui enrayent la chaîne. C'est
essentiel pour que tout le monde survive.
Ensuite, les interrogations portent sur les
relations avec la GMS. Elle reste sur sa ligne
de ne pas augmenter les prix, alors que le
coût des produits, lui, a augmenté. Entre le
transport (avec une augmentation imposée
et rétroactive, avant un retournement qui n'a
pas empêché une hausse) et le stockage, les
surcoûts sont nets.

Hors de la matière première « poisson »,
avez-vous rencontré des difficultés en
termes d'approvisionnement ?
Sur les ingrédients, nous n'avons pas eu de
souci. En revanche, nous allons connaître des
tensions sur les boîtes vides dans les semaines
à venir, car les fournisseurs ont eux aussi
épuisés leurs stocks. Nous sommes en boîtes

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