produits de la mer - n°202 - Août-septembre 2020 - 52

Dossier ❘ INNOVATION

« La culinarité va avec le clean label »
brées, des captures accessoires peu prisées.
Ça limite le gaspillage de ressources. Et le
secteur surfe sur les moments de consommation conviviaux, avec énormément de
tartinables, propices aux apéritifs, piquenique. La praticité reste importante, mais
c'est devenue un prérequis.

PDM : Quels sont vos conseils pour
innover ?
Marie-Loïc Garin : Nous accompagnons les entreprises à travers quatre
piliers. D'abord, des études qualitatives
avec des entretiens approfondis auprès
d'utilisateurs des produits - consommateurs, chefs ou industriels - pour cerner
les attentes, besoins et contraintes. Puis
la phase de créativité, avec des séances
d'un à deux jours avec les acteurs du projet et des regards extérieurs : designers,
experts, utilisateurs... Elles font émerger
des concepts à concrétiser via le 3e axe, le
prototypage en cuisine, avec nos chefs. On
peut vite tester les recettes dans le restaurant de notre bâtiment, où 200 à 250 personnes mangent le midi, avec un retour
spontané par questionnaire. On explore
aussi les fonctionnalités culinaires d'un
produit via des cartographies d'usage, des
tests de performances comparées. Ça permet d'affiner la recette et l'argumentaire.
Enfin, 4e pilier, la communication : recettes,
photographies ou vidéos culinaires, rédactionnel... On peut bien sûr piocher dans ce
processus. L'offre est toujours sur-mesure,

Il faut mettre l'utilisateur
au centre de la démarche.

3 000
15 000
à

€

Le coût des étapes
étude, atelier créativité,
prototypage et
cartographie culinaire,
selon leur ampleur.

à
semaines. La durée
des dossiers selon
la complexité et
les itérations.

Une petite équipe passionnée

e Centre culinaire réunit sept personnes (6,4 ETP) : Marie-Loïc
Garin, au Centre depuis quinze ans, après dix passés dans l'analyse sensorielle et la R&D ; une cheffe de projet innovation-études ;
une designeuse ; l'administration ; et trois chefs aux profils différents, centrés sur la gastronomie, la restauration collective ou l'industrie. « Petite équipe, grandes envies », résume Marie-Loïc Garin.
Ils accompagnent autant de petits porteurs de projet que de grands
groupes, avec un partage à 50/50 entre le food service et la grande
consommation.
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PRODUITS DE LA MER N°202 AOÛT-SEPTEMBRE 2020

Le Centre culinaire
contemporain à Rennes
accompagne les acteurs
alimentaires dans
l'innovation. L'important,
selon Marie-Loïc Garin,
cheffe de projet R&D et
ingénierie culinaire : croiser
les regards et se centrer
sur l'usage du produit.

centrée sur l'expérience utilisateurs, en privilégiant les regards croisés.

Quels sont les leviers d'innovation
actuels ?
Il y a une prise de conscience très forte
autour du mieux-manger. Le consommateur veut reprendre la main sur son alimentation et pousse l'industrie à se remettre
en cause, à produire de manière plus respectueuse pour la santé et l'environnement. Il est très friand des outils Nutriscore,
Yuka, Siga, ScanUp, ces derniers intégrant
la transformation. Ça se concrétise par le
clean label : on allège la liste d'ingrédients,
on substitue additifs, colorants, conservateurs par des produits naturels. Et le lowprocess : on transforme moins. La culinarité va de pair avec le clean label : l'industrie
redécouvre les trucs de cuisiniers. Une purée
de fruits ou de légumes amène de l'onctuosité et du goût et évite l'ajout d'arômes
ou d'amidon. Le citron ou le thym sert de
conservateur. Des signaux montrent aussi
l'attention croissante sur la RSE, comme la
démarche C'est qui le patron.
Y a-t-il des tendances spécifiques aux
produits de la mer ?
Il y a pas mal d'initiatives sur l'utilisation de coproduits : des moules sous cali-

Quels sont les écueils à éviter ?
Pour qu'une innovation trouve son
public, il faut être très vite en phase
avec l'utilisateur, le mettre au centre de
la démarche, lui soumettre le prototype.
Et trouver le bon angle de communication. Une frange croissante de la population est actrice de son alimentation : des
CSP+ et aussi de plus petits revenus. Mais
la base de la pyramide reste sur un critère
prix. Ce sont deux cibles très différentes.
Or les acheteurs soucieux de la santé et de
la durabilité ne sont pas fans des grosses
marques centrées sur le mass market. On
voit ainsi dans les grandes entreprises
émaner de petites marques pour les produits plus sains et responsables. Comme
Danone qui, à côté de millions de tonnes
de Danette et Velouté, a lancé la société
Les deux vaches pour le bio. Des startup adossées à de grands groupes développent ces offres, avec une communication souvent plus débridée et plus centrée
sur les attentes actuelles.
Comment stimuler l'innovation en
interne ?
C'est un état d'esprit. Certains se nourrissent chez nous de tendances culinaires,
expériences, dégustations. Une séance de
créativité peut insuffler cette démarche, en
croisant les expertises du marketing, de
la R&D, du process, des achats. Les commerciaux entendent souvent sur le terrain
des doléances, sans les capitaliser. Susciter
des moments de co-construction hors des
murs est très riche. Les plus belles innovations émergent en croisant ces visions. Lors
de ces rencontres, nous amenons des gens,
parfois en opposition, à écouter et à ne pas
s'autocensurer, à abandonner le « non »,
« trop cher », « ça ne passera pas sur ma
ligne ». Et si c'était possible ? Quand les
équipes s'ouvrent, on voit naître des idées
communes à faire vivre ensemble, ce qui
crée une émulation.
Propos recueillis par Solène LE ROUX

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