Produits de la mer - n°166 - octobre 2016 - 49

Dossier ❘ CRUSTACÉS DE LUXE L'Asie met la langouste sous pression L a Chine et Taïwan ont commencé par acheter de la langouste des Caraïbes en Floride vivante, puis congelée. Pour l'entière cuite congelée, ils se sont tournés vers Cuba et « aujourd'hui, ils s'approvisionnent partout », note un opérateur. En matière de langoustes, la Chine commence à peser lourd sur le marché mondial. Ses pics de demandes en septembre et en janvier, lorsque se préparent les fêtes de la Lune et du Nouvel An, perturbent le jeu. D'autant que les acheteurs chinois ne disposent pas des circuits d'approvisionnement bien établis du Japon et de son marché traditionnel. Il y a trois ans, en réponse à la forte demande de leur marché intérieur, ils achetaient comptant directement sur les plages des Caraïbes et captaient ainsi un tiers des volumes. Le phénomène semble en recul, mais... Selon un opérateur du secteur, la Chine ne donne pas encore le la sur les tarifs. « Pour l'entière des Caraïbes, crue ou cuite, c'est toujours l'Europe qui fait le marché, même s'il est influencé par la demande américaine en queues de langoustes crues surgelées. Les Américains restent les premiers consommateurs du produit. » Leurs grands fournisseurs sont les Bahamas, dont les bateaux ne disposent pas de l'équipement nécessaire pour produire de l'entière, et, depuis 2014, le Brésil. Depuis cette date en effet, le pays ne bénéficie plus de droits de douane à taux réduits vers l'Union européenne. Ses exportateurs se sont réorientés vers les États-Unis et l'Asie. Idem pour Cuba. Le changement de régime douanier et la fermeté du dollar par rapport à l'euro ont considérablement réduit les exportations vers l'Europe de ce grand pourvoyeur de langoustes entières cuites dont les prix ont logiquement grimpé. Pourtant, en France, les débouchés en restauration restent majoritairement axés sur l'entière cuite, proposée par les cafétérias sous forme de demi-langouste, ou, pour les petites tailles, par les brasseries sur les plateaux de fruits de mer. L'amélioration des traitements bord a permis de voir émerger, chez les croisiéristes et dans le sud de l'Europe, une demande pour de l'entière crue, que l'on cuisine au gril ou à la plancha. Facile à préparer et un peu moins onéreuse, l'entière crue se fait une place, sachant que « les queues de langouste, quant à elles, se vendent dans toute l'Europe », rappelle Ludovic de Parseval, dirigeant d'Aloha Sea Food, important opérateur sur ce produit. En France, un des marchés européens où la grande distribution a du poids, les ventes se concentrent sur la fin de l'année. Certains spécialistes se tournent donc vers l'export pour lisser leur activité. C'est le cas d'Interpral. « Nous vendons des langoustes de mer froide sur la première partie de l'année et des langoustes de mer chaude sur la seconde partie », explique L.F. Les prix de la langouste restent élevés cette année. Fluctuation des captures, fermeté du dollar, droits de douane à l'entrée de l'Union européenne, poussée de la demande asiatique... : autant de facteurs qui font varier les cours mondiaux. L'entière cuite, présentée en demi-langouste, reste privilégiée par la restauration française. 6 400 t environ de langoustes vivantes importées par la Chine en 2015, contre quelque 8 800 tonnes en 2013 et un peu moins de 8 000 tonnes en 2014. Source : SeafoodNews d'après statistiques officielles chinoises Geneviève Guillou, sa dirigeante. La majorité des expéditions part vers l'Asie, en vivant ou congelé. « Aujourd'hui, les langoustes des mers froides d'Afrique du Sud ou de Namibie sont expédiées directement en Asie. Petites, elles sont appréciées au Japon pour la texture et la finesse de leur chair, et leur couleur très rouge après cuisson. » L'Asie, toujours l'Asie. ■ La royale se cache... ne baisse des volumes d'environ 30 % par rapport à 2015 et surtout 2014 : le bilan de la saison de la langouste royale, habituellement pêchée en mai-juin-juillet, est plutôt décevant cette année. « Les captures ont diminué sur toutes les zones, notamment l'Irlande, où les apports sont les plus élevés », précisait fin juillet Serge Guyot, directeur général des Viviers de Loctudy. Résultat : une hausse des cours de 20 à 25 %, aboutissant à des prix de gros de 50 à 55 €/kg. Or, les origines de substitution sont rares. La Tunisie et l'Algérie vendent souvent directement sur la côte méditerranéenne française, où le produit est demandé en saison dans des tailles de 600 g à 1,2 kg. Quant au Maroc, il expédie sa production en Espagne. De son côté, la rose de Mauritanie, toujours très demandée, notamment en Chine, s'est faite plus rare sur le marché. Pour éviter l'épuisement de la ressource après trois ans de pêche dense, le gouvernement mauritanien a accordé moins de licences en 2016. Les prix ont flambé, mais pour Serge Guyot, « le problème n'est pas de vendre mais de s'approvisionner ». U PRODUITS DE LA MER N°166 OCTOBRE 2016 ❘ 49 ❘

Table des matières de la publication Produits de la mer - n°166 - octobre 2016