produits de la mer - n°196 - Octobre 2019 - 50

Dossier ❘ THON

Faire rimer qualité et durabilité
L'importateur Alain Bailly (Fish is Life)
est un ardent défenseur de l'ultra-basse
température (UBT) pour favoriser
un cercle vertueux : valoriser la qualité
pour limiter la pression de pêche.

L.F.

n ne peut privilégier la durabilité que si l'on comprend d'où
vient la matière première. »
C'est le cas pour Alain Bailly,
importateur de thons tropicaux depuis
plus de 20 ans, à Rungis, pour Comptoirs
Océaniques, sous la marque Fish is Life.
« La base : ne jamais faire d'achats opportunistes, en spot, via les traders. Nous
avons 100 % de fournisseurs réguliers. »
Sur le marché du frais, il se fournit dans le
Pacifique et l'océan Indien pour coupler les
saisonnalités. Le frais est quasiment l'exclusivité de la pêche artisanale (ligne, canne)
ou semi-industrielle (petits palangriers). Très
peu certifié MSC, mais avec quelques écolabels Friend of the Sea, le frais a des atouts
en matière de durabilité. « Il fait vivre des
pêcheries locales et ne pose pas de problème de juvéniles. » Aux Maldives, seule
la pêche à la ligne est autorisée. Au Sri
Lanka, les quelques captures accessoires
à la palangre sont valorisées localement :
coryphène, marlin, voilier, de rares requins.
Et les palangriers, via le choix des hameçons et des zones, ciblent les thons les plus
gros pour l'export. « Nous avons incité des
pêcheries à s'inscrire dans des Fip. »
Sur le marché du congelé aussi, la
recherche de gros thons mieux valorisés
bénéficie à la durabilité. À la senne, cela

Décongélation de longes de thon albacore à Comptoirs Océaniques, à Boulogne.

conduit à limiter la pêche sur DCP et donc
les prises accessoires notamment de juvéniles. Les achats congelés concernent des
flottes plus structurées, à la palangre ou à
la senne, avec de plus en plus de navires
en capacité de congeler à basse température. « Les flottilles ont basculé de - 18 à
- 35 °C, voire - 50, - 60 °C, selon le marché ciblé, cuit ou cru », indique Alain Bailly.
L'ultra-basse température (UBT) apporte
une qualité sashimi, vendue plus chère, ce
qui permet aux flottes de s'engager sur la
durabilité. « C'est un cercle vertueux, en
valorisant mieux, on peut extraire moins
de poisson. » Comptoirs Océaniques s'approvisionne auprès de trois opérateurs
à capacité UBT : à la senne, le français
Sapmer (à - 35 et - 45 °C) et l'espagnol
Echebastar (- 60 °C, en MSC sur le listao).
Et, en senne et longline, le sud-coréen

10-12

Le poids minimum
des thons albacore
achetés par Comptoirs
Océaniques.

Dongwon, au MSC espéré pour la fin d'année. « Chacun est un leader dans ses pratiques. » « Le thon sashimi transporté par
voie maritime est aussi moins émetteur de
CO2 que le thon frais d'import transporté
par voie aérienne », ajoute Amanda Sow
de Comptoirs Océaniques.
En bout de course, il faut que le marché suive. « Le marché est prêt à garantir la durabilité, avec 3 à 5 % de surcoût.
Les distributeurs ont une responsabilité
importante. Ils poussent les armateurs à
aller vers le MSC, il faut ensuite être au
rendez-vous. » Comptoirs Océaniques va
pousser le thon MSC, lançant cet automne
du thon albacore et germon MSC de qualité sashimi en UBT décongelé, sur le marché du frais. « Il faut accompagner ceux
qui font bien, pour pousser tout le monde
vers le haut. » ■

Moalia, du thon frais choisi avec soin

e créneau de Jean-François Bodin, importateur français basé en
Espagne, de la société Moalia : du thon frais pêché à l'hameçon,
ligne voire palangre. Il achète une petite dizaine de tonnes de longes
par semaine, à destination en majorité de la restauration, en Europe
occidentale. « Nous privilégions une pêche durable, artisanale et
équitable. » Là encore, tout est question de relation privilégiée. « Nos
fournisseurs, qui achètent le thon aux pêcheurs, sont de vrais partenaires. » Jean-François Bodin estime que 40 à 50 % du prix final va au
pays d'origine : Philippines, Vietnam, Indonésie, Maldives, Sri Lanka...
Des pays où les gouvernements sont parfois proactifs pour défendre
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PRODUITS DE LA MER N°196 OCTOBRE 2019

leurs pêcheurs côtiers et protéger les stocks : interdiction de pêche
durant les mois de reproduction en Inde et dans le sultanat d'Oman,
arrêt récent de la pêche à la palangre aux Maldives pour préserver
les canneurs et ligneurs... Malgré ces démarches, « dans le frais, il y
a très peu de certifications durables, à part Friend of the Sea mais ce
n'est pas assez exigeant. Des pêcheries se regroupent en Fip, pour
viser le MSC, mais on en est encore aux balbutiements ». Ce sésame
n'est pas encore exigé par les clients, mais les distributeurs s'y intéressent de plus en plus. « Tout le monde dans le secteur est conscient
de la nécessité d'y aller. »

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