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SERVITUDES, FIXITÉ
Les servitudes permettent de superposer plusieurs droits de natures différentes sur un même bien, afin d’en augmenter les possibilités d’exploitation et la rentabilité. Elles ont longtemps été un remarquable instrument de développement économique ; elles continuent à être importantes mais ont perdu leur dynamisme. Elles sont surtout agraires et demeurent marquées par leur origine romaine. À Rome, les plus importantes étaient relatives à l’eau (aqueduc, puisage, prise d’eau, abreuvoir, égout : l’Italie est un pays sec ; ce qui explique qu’elles devaient être perpétuelles, échappant aux incertitudes et à l’éphémère de l’activité humaine). Notre Ancien droit ajouta aux servitudes romaines les droits seigneuriaux (corvées, banalités et dîmes) qui se distinguaient difficilement des servitudes. La Révolution, lors de la nuit du 4 août, abrogea les droits féodaux mais maintint les servitudes, distinction qui tout au long du XIXe siècle suscita un important contentieux. Bien qu’elles continuent à jouer un rôle important et à susciter un contentieux abondant, les servitudes sont en recul et parfois présentent un anachronisme freinant le développement économique malgré les efforts d’adaptation jurisprudentielle. Les raisons en sont multiples : le recul des campagnes et surtout l’intervention de l’État ; la puissance publique impose souvent à la propriété immobilière des limitations qui jouent un peu le même rôle que rempliraient les servitudes ; on leur donne le nom de « servitudes administratives ». Les dispositions du Code civil relatives aux servitudes sont très minutieuses et presque demeurées inchangées depuis 1804, ce qui explique que, plus que dans d’autres parties du Code, l’importance de l’interprétation jurisprudentielle qui a dû adapter des textes anciens à des réalités économiques nouvelles (supra, no 12). Un des principes importants du droit des servitudes est leur fixité qui empêche – ou devrait empêcher – leur révision judiciaire pour cause d’imprévision. Cette fixité présente aujourd’hui des inconvénients lorsqu’ont changé les circonstances économiques en raison desquelles elles avaient été constituées. Aussi, la jurisprudence a-t-elle assoupli le principe de fixité, notamment en usant des ressources que permet l’interprétation du titre constitutif de la servitude, souvent un acte notarié très ancien. La question s’est surtout posée pour la servitude conventionnelle de passage qui peut se trouver ainsi, grâce à l’interprétation, adaptée aux progrès techniques. Par exemple, dans un arrêt de sa première chambre civile du 17 novembre 1953 au contraire de la cour d’appel, la Cour de cassation a admis qu’une servitude de passage en voitures attelées à cheval convenue en 1928 pouvait comprendre l’usage d’un tracteur à moteur diesel : « l’arrêt (de la cour d’appel) ne pouvait prétendre que l’usage d’un tracteur mécanique constituait une aggravation de la servitude en faisant état de la dimension considérable que peuvent atteindre certains de ces engins et leurs remorques ainsi que des dommages qui résulteraient du défaut de bandages pneumatiques, des bruits, des fumées qu’ils dégagent et des risques d’incendies, en ne retenant ainsi que des éléments sans rapports nécessaires avec l’usage d’engins évitant de tels inconvénients, et sans préciser si le tracteur mis en service les présentait à un point qui aurait rendu sensible la prétendue aggravation, l’arrêt attaqué se fonde sur des motifs hypothétiques ». Cassation. Cette adaptation de la servitude conventionnelle de passage aux besoins actuels de l’exploitation reste cependant limitée car elle doit être conforme à la convention : les ressources de l’interprétation ne sont pas illimitées.

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