Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 63

Chapitre 2

LE DESSAISISSEMENT DE L'hÉRITIER
PAR LA VOLONTÉ DU DE CUJUS

78. Innovation de la loi du 23 juin 2006. Le dessaisissement d'une personne
consiste à la priver de l'exercice des droits dont elle est en principe titulaire1. En
matière successorale, le dessaisissement de l'héritier vise à le dépouiller de l'exercice des droits successoraux, sans remettre en cause leur acquisition par l'effet de
la transmission héréditaire. L'héritier peut être évincé de l'administration ordinaire de tout ou partie de la succession ou de son entière liquidation au profit
d'un tiers administrateur ou d'un autre héritier dont les pouvoirs sont conditionnés par la mission qui leur est impartie. Dans la logique du système de la succession à la personne, le Code civil de 1804 n'avait pas prévu de mesures de
dessaisissement de l'héritier2. Investi de la saisine3, celui-ci est fondé de plein
droit à prendre possession de l'hérédité pour exercer les droits et actions du défunt
sans être tenu d'accomplir de formalité préalable (art.  724 C.  civ.)4. Dans une
acception positive, la saisine est le complément possessoire de la transmission
immédiate de la propriété des biens successoraux garantissant son efficacité5. La
législation napoléonienne s'est révélée trop peu circonspecte. Selon les cas, l'incurie, la faute, la mésentente, l'inertie ou l'inaptitude des successeurs a pu compromettre les intérêts des cohéritiers ou des créanciers successoraux. Sur ce constat,
le juge a autorisé le dessaisissement de l'héritier et son remplacement par un

1. C.  Saint-Alary-Houin, « Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire »,
Rev. proc. coll. 2003. 173, n° 1.
2. Néanmoins, certains textes relatifs aux mesures conservatoires pouvaient indirectement
l'autoriser : ainsi, l'ancien article 944 du Code de procédure civile autorisant le président du tribunal
à prendre les mesures rendues nécessaires par les difficultés d'administration de la succession, les
anciens articles 806 à 809 du même code (act. art. 808 et 809 C. proc. civ.) donnant au juge des référés
le pouvoir d'ordonner à certaines conditions des mesures conservatoires ou encore, l'article 1961 du
Code civil prévoyant le séquestre judiciaire des choses litigieuses.
3. Dans le Code Napoléon, tous les héritiers ab intestat, à l'exception des enfants naturels, du
conjoint survivant et de l'État, étaient investis de la saisine héréditaire. La loi du 25  mars 1896 et
l'ordonnance du 23 décembre 1958 ont successivement conféré la saisine aux enfants naturels et au
conjoint survivant, de sorte que l'État est désormais le seul successeur irrégulier. La saisine héréditaire
est également attribuée aux légataires universels en l'absence d'héritiers réservataires (art. 724 et 1006
C. civ.).
4. M.  Planiol et G.  Ripert, Traité pratique de droit civil français, LGDJ, Tome IV, 2e  éd.  par
J. Maury et H. Vialleton, 1956, n° 197, p. 323 ; J. Flour et H. Souleau, Droit civil, Les successions,
Armand Colin, 3e éd., 1991, n° 163, p. 103.
5. H. Vialleton, « La place de la saisine dans le système dévolutif français actuel », Mélanges
en l'honneur de Paul Roubier, Tome II, Dalloz Sirey, 1961, p. 283 et s.
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