Doctorat et Notariat - L'organisation de la liquidation du passif successoral - Tome 50 - 95

Chapitre 1

LA SUCCESSION INDIVISE

123. La conception classique de l'indivision et son caractère suranné. L'indivision est classiquement définie comme le concours de plusieurs droits de même
nature, sur le même objet, sans qu'il y ait division matérielle des parts1. L'indivision successorale regroupe les successeurs du de cujus - testamentaires ou
légaux - ayant des droits identiques sur les biens de la succession jusqu'au partage qui opère la division matérielle de leur part respective2. Précisément, elle
consiste en une fragmentation de la propriété des biens indivis et de l'indivision en
quotes-parts abstraites entre les coïndivisaires qui figurent dans leurs patrimoines
respectifs. Cette définition classique héritée du droit romain (condominium pro
diviso) procède de la conception individualiste de l'indivision qu'en avaient les
rédacteurs du Code Napoléon. Ces derniers considéraient l'indivision comme
étant contraire à « la mobilité de nos intérêts »3, de sorte qu'elle devait être un
état transitoire4. Aussi, n'ont-ils pas pourvu l'indivision d'un statut juridique5.
La conception individualiste de l'indivision devait se traduire par le principe de
précarité de l'indivision posé à l'ancien article 815 du Code civil, accusé par la
règle de la déclarativité du partage supprimant rétroactivement toute trace de son
existence (art. 883 C. civ.)6. Au cours de l'indivision, elle était corrélée au principe de division des dettes et des créances dans les relations des cohéritiers avec les
tiers (art. 1220 et 873 C. civ.) et dans les relations mutuelles des coïndivisaires
1. M. Dagot, « Indivision (commentaire de la loi du 31 décembre 1976, 1re partie : le régime
primaire) », JCP 1977.I.2858, n° 2.
2. L'indivision successorale ne regroupe donc pas nécessairement tous les successeurs. En sont
exclus ceux dont les droits ou l'objet de leur droit ne sont pas identiques, tels que le successeur anomal
dont le droit de propriété s'exerce sur une masse distincte de la masse indivise ou l'héritier recueillant
un usufruit.
3. P.A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome XII, p. 238.
4. M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, LGDJ, Tome IV, 2e éd. par
J. Maury et H. Vialleton, 1956, n° 469, p. 667. Pour les rédacteurs du Code Napoléon, l'indivision
« n'était pas loin d'être considérée, sinon comme une pathologie, du moins une anomalie » : B. Beignier,
Libéralités et successions, Cours LMD, avec la collaboration de S. Torricelli, Montchrestien, 2010,
n° 611, p. 364.
5. Quelques dispositions seulement manifestaient la volonté de maintenir « le plus possible
dans son intégrité entre les mains des cohéritiers la masse indivise pour permettre l'exacte et complète
application du droit des successions » (M. Planiol et G. Ripert, op. cit., n° 469, p. 666) : ancien article 841
(retrait successoral en cas de cession de la part indivise au profit d'un tiers ancien), article 2205, et
anciens articles 860, 866 al. 2, 868 et 869 du Code civil (règlement par voie de prélèvement pour les
créances de rapport figurant dans la masse indivise). Les autres dispositions concernaient le paiement
des dettes successorales (anc. art. 870 à 876 et 882 C. civ.).
6. En matière successorale, la règle de la déclarativité du partage garantissait la transmission
immédiate et directe des éléments du patrimoine du de cujus aux cohéritiers selon leur vocation

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