Doctorat & Notariat - Tome 65 - Les combinaisons de droits réels - 181

Usufruit ayant pour objet un usufruit

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la maîtrise du bien à l'issue de l'usufruit dont est titulaire le nu-propriétaire lui
permet néanmoins d'en disposer actuellement et de pouvoir le protéger grâce
aux actes conservatoires par exemple96. Dans une telle conceptualisation, le
démembrement conserve néanmoins toute sa place : les droits d'usage et d'habitation, pour ne prendre qu'eux, procèdent bien d'une répartition des utilités
d'une chose entre plusieurs personnes. Seul l'usufruit est extrait de cette catégorie pour constituer l'archétype même de la propriété temporaire97. L'explication
de la constitution de droits réels par l'usufruitier en est alors extrêmement facilitée. Il s'agit d'un simple démembrement de la propriété usufructuaire, l'usufruitier concédant à un tiers, conformément à ses attributs de propriétaire, les utilités
de sa chose. Quant à la constitution par l'usufruitier initial d'un autre usufruit,
identique, au profit d'un tiers, elle opère simplement une nouvelle dissociation
temporelle de la propriété : l'usufruitier secondaire devenant le titulaire d'une
nouvelle propriété temporaire affectée d'un double-terme « qui affecte son droit
propre et celui [...] de son auteur »98.
2. Absence de superposition
197. Négation de la superposition des droits réels de jouissance. Admettre que
la constitution par l'usufruitier d'un droit réel de jouissance sur sa chose procède
d'un simple démembrement de la propriété temporaire condamne toute forme de
superposition de droits réels de jouissance en la matière. Le droit réel de jouissance n'est plus issu d'un démembrement secondaire, mais du démembrement
initial de la propriété. L'objet du droit réel de jouissance est donc la chose et non
un droit réel issu d'un précédemment démembrement. Pour autant, le fait que le
démembrement grève directement le bien ne signifie pas que les solutions soient
différentes en cas d'extinction ou d'arrivée de la propriété temporaire à son terme.
En effet, l'application de la règle nemo plus juris...99 empêche le démembrement
consenti par l'usufruitier de continuer à grever la chose au-delà du terme fixé à la
propriété temporaire100.
Cette négation de toute forme de superposition entre droits réels de jouissance
s'inscrit également dans une critique plus large de l'idée de propriété des droits101.
cas de vente de la nue-propriété. Dès l'instant où le nu-propriétaire peut agir directement sur la chose
objet de son droit, il paraît difficile de nier qu'il puisse profiter d'une utilité, quand bien même celle-ci
n'est que future. Par ailleurs, même en consentant à la thèse de l'absence de répartition des utilités, il
demeure nécessaire d'admettre que le nu-propriétaire puisse tirer de son droit de propriété futur des
utilités immédiates liées à la disposition. Ces utilités sont identiques à celles de l'usufruitier mais elles
diffèrent quant à leur objet (la chose pour l'usufruitier, le droit futur pour le nu-propriétaire). Les utilités
cohabitent donc au même moment (sans se concurrencer du fait de leurs objets distincts). Elles
permettent, chacune, d'agir sur la chose pour en tirer avantage. Ainsi considéré, l'usufruit demeure un
mode d'attribution immédiat à plusieurs personnes de prérogatives distinctes sur les utilités d'une chose,
nonobstant le fait que l'usufruitier en soit ou non le véritable propriétaire.
96. W. DROSS, ibid., p. 170, n° 88.
97. W. DROSS, ibid., p. 152, n° 80.
98. W. DROSS, ibid., p. 174, n° 91-2.
99. Cf. supra n° 180.
100. W. DROSS, ibid., p. 174-175, n° 91-3.
101. « L'idée de propriété des droits revient à affirmer que le sujet exerce une maîtrise non pas
seulement sur la personne ou la chose mais encore sur cette relation de maître même. Autrement dit, il y
a mise en abîme : la propriété des droits fait d'un lien (le droit) l'objet d'un autre lien (la propriété). Et
si l'on veut avancer encore d'un pas dans l'abîme, on pourra soutenir qu'on peut être propriétaire d'un
usufruit portant sur une créance : un droit (de propriété) sur un droit (réel d'usufruit) sur un droit

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