Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps - 125

ALAIN GOURIO
85
textes suscitèrent une réaction européenne, sous forme du règlement 2271/96 du
22 novembre 1996 en vue de bloquer leurs effets extraterritoriaux.
De manière générale, les programmes de sanctions économiques comportent
des sanctions primaires applicables aux « United States persons » et aux personnes
« within the United States ». Caractérisant le lien territorial ou personnel avec les
États-Unis, celles-ci ne revêtent donc pas en apparence un aspect extraterritorial5
.
Il faut cependant réserver l'interprétation qui en est faite par les autorités chargées
de les mettre en œuvre, conduisant à une extraterritorialité effective, comme on
le verra plus loin.
Sont également prévues des sanctions dites secondaires directement applicables
aux personnes étrangères effectuant des opérations prohibées avec les pays
concernés. Il en est ainsi du dispositif à l'égard de l'Iran, pour lequel les sanctions
secondaires ont été rétablies en conséquence du retrait des États-Unis de l'accord
du 14 juillet 2015 sur le nucléaire iranien6
.
Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) adopté en 1977 réprimant la corruption
d'agents publics à l'international joue quant à lui sur l'ambiguïté. Il est clairement
extraterritorial puisque d'une part, il vise des agents publics étrangers et
d'autre part, il s'applique à des entreprises étrangères dès lors qu'elles ont émis des
titres aux États-Unis. Ces critères conduisent indiscutablement à appliquer le
texte à des faits commis à l'étranger par et entre personnes étrangères. Mais les
autorités américaines ne manquent pas de faire valoir qu'existe une connexion
avec le territoire américain puisque ne sont concernées que les sociétés cotées aux
États-Unis ou y ayant émis des titres réglementés. Il est difficile cependant d'y
voir une application législative de la théorie des effets qui exige que les faits survenus
à l'étranger ne soient pris en compte pour justifier une compétence territoriale
américaine que s'ils ont des effets directs, prévisibles et substantiels sur le
territoire américain.
La rareté des textes édictant expressément une extraterritorialité se double
d'une jurisprudence réticente à en admettre une conception extensive. L'arrêt
Morrison c/ National Australia Bank du 24 juin 2010 a affirmé le principe d'une
« presumption against extraterritoriality » en l'absence d'une disposition expresse
de la loi. Aux termes de cette décision, les règles américaines sur la réparation
des préjudices boursiers ont été jugées inapplicables aux actions intentées par
des investisseurs étrangers ayant acquis des actions d'une société étrangère sur
un marché étranger, alors même que les faits reprochés s'étaient produits sur le
territoire américain. La cour d'appel de New York (Second Circuit Court of
Appeals) a largement mis en œuvre la jurisprudence Morrison dans le domaine
du droit financier7
.
5. R. Bismuth, « Pour une appréhension nuancée de l'extraterritorialité du droit américain
- quelques réflexions autour des procédures et sanctions visant Alstom et BNP Paribas »,
Annuaire français de droit international LXI-2015, CNRS édition.
6. Cf. infra.
7. V. Naguin B. Zekkouti, « L'extraterritorialité des règles boursières américaines à l'ère
post-Morrison : une double confirmation qui soulève des questions », BJB janv. 2015, p. 19.

Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps

Table des matières de la publication Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps