Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps - 236

196 AUTHENTICITÉ DE L'ACTE NOTARIÉ ET DE LA DÉCISION JURIDCTIONNELLE
encore moins, assurément, d'un risque de surendettement ou de défaut de proportionnalité
de son engagement. Juge de l'évidence, il n'aurait d'ailleurs pas eu
compétence pour le faire. On peut au contraire soutenir que l'irrégularité évidente
du cautionnement présenté à l'homologation, qui n'était à ce stade qu'un
acte sous signature privée, aurait pu justifier de sa part un refus d'homologation,
le Code de la consommation autorisant le juge à soulever d'office le non-respect
des dispositions protectrices impératives qu'il édicte6
.
Roger Perrot écrivait en 2006 à propos d'un jugement d'homologation d'une
transaction emportant transfert de propriété7
: « L'authentification d'un acte est
liée à la " réception " de cet acte par un officier public habilité à cet effet qui était
présent au moment où il a été signé. Il fait foi jusqu'à inscription de faux parce
que celui qui l'a reçu est en mesure de se porter garant de la fidélité des énonciations
qui y figurent, parce que, par sa présence et sa signature, il affirme avec
solennité que l'acte traduit fidèlement ce qu'il a vu, entendu et constaté personnellement.
En revanche le juge qui, sur simple requête, homologue une transaction
élaborée hors de sa présence ne sait rien des conditions dans lesquelles l'acte
a été conclu. Il peut certes se porter garant de son existence, mais, du fait que la
transaction n'a pas été conclue devant lui, qu'il ne l'a pas " reçue " personnellement,
il ne peut pas offrir son autorité de juge pour garantir jusqu'à inscription
de faux la fiabilité de son contenu8
». Troplong s'offusquait déjà, au milieu du
xixe siècle : « Cet usage (celui de l'homologation), quoiqu'ancien, est abusif ; il est
. Sans remettre en
cause la technique de l'homologation, qui connaît des applications nombreuses et
diverses10
, du moins peut-il paraître raisonnable d'en limiter la portée.
En somme, si l'exigence d'une mention manuscrite était justifiée, ce serait
davantage dans l'hypothèse de la simple homologation du cautionnement par le
juge que dans celle du cautionnement reçu par un notaire en vertu d'un mandat
sous signature privée, et non l'inverse. Au bien-fondé de cette conclusion, un
dernier argument peut être ajouté.
C. Limites de la force probante particulière reconnue aux actes
authentiques
Nul n'ignore que l'acte notarié ne bénéficie de la force probante particulière
jusqu'à inscription de faux qui lui est reconnue que « de ce que l'officier public dit
avoir personnellement accompli et constaté », comme le précise aujourd'hui
expressément l'article 1371 du Code civil, issu de l'ordonnance du 10 février
6. C. consom., art. L. 141-4 anc. ; art. R. 632-1 nouv.
7. Cass. 1re
civ., 16 mai 2006 : D. 2006, p. 1485.
8. RTD civ. 2006, p. 823.
9. R.-T. Troplong, Droit civil expliqué suivant l'ordre des articles du code, t. XVII, Du
cautionnement et des transactions, Hingray, 1846, p. 162.
10. v. M. Foulin et Y. Strickler, « Accords et force exécutoire », Gaz. Pal., 1er
p. 2842, et le tableau en annexe.
-3 mars 2013,
irrespectueux envers les magistrats ; le juge qui a le sentiment de son devoir et de
sa dignité ne doit pas consentir à être un instrument passif »9
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