Doctorat & Notariat - Tome 68 - Le statut patrimonial du conjoint survivant en droit international privé - 147

LA REDÉFINITION DES CATÉGORIES DE RATTACHEMENT
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M. Bertrand Ancel, on ne saurait attribuer à cet arrêt une portée qu'il n'a pas11
.
En l'espèce, la soumission du droit successoral du conjoint à la loi du régime (qui
était la loi française) s'explique à nouveau par des considérations propres au
conflit de lois interpersonnel et, plus précisément, par la primauté du statut de
droit civil (français) par rapport à celle du statut de droit local (camerounais)
lorsqu'un sujet de statut de droit civil (français) est impliqué. Il ne s'est pas agi ici
d'étendre la catégorie matrimoniale en vue de réunifier le statut du conjoint survivant
sous l'empire d'une seule loi.
187. le conditionnement mutuel de la catégorie et du rattachement. Ces
deux arrêts ne révèlent ainsi aucune tendance favorable à l'emprise de la loi du
régime sur la situation patrimoniale du conjoint survivant. Et nous n'avons
relevé aucune décision récente qui favoriserait la loi du régime ou permettrait de
déceler une telle tendance. Les doctrines favorables à une extension de la catégorie
matrimoniale n'ont pas été reçues en droit positif français12
. La prudence
des juges français à étendre la catégorie matrimoniale vient probablement de
son rattachement. La nature du rattachement influe en effet sur le contenu de la
catégorie : plus le rattachement est disponible pour les parties, moins il y a de
sens à ce que la catégorie appréhende des questions impératives13
. La disponibilité
du rattachement au plan international affaiblit nécessairement l'impérativité
au plan interne. Inclure la vocation successorale du conjoint survivant dans
une catégorie soumise à un rattachement volontaire à une époque où la matière
successorale, en partie impérative, était soumise à des rattachements objectifs
indisponibles à l'égard du de cujus était inopportun au regard de la protection
due à la réserve héréditaire.
B. LE BOULEVERSEMENT DES CATÉGORIES ESPAGNOLES
188. Aux termes de l'article 9.8 du Code civil espagnol tel que modifié par la
loi du 15 octobre 1990, l'ensemble des droits patrimoniaux du conjoint survivant
est soumis de manière préventive à une loi unique, celle des effets du mariage,
dans la limite de ce que prévoit la loi successorale pour la réserve des descendants.
Mû par la volonté d'éviter les cumuls ou les lacunes susceptibles de résulter de la
11. B. Ancel, Les conflits de qualification à l'épreuve de la donation entre époux, op. cit.,
p. 406-407.
12. Au contraire, selon François Rigaux (thèse précitée, p. 377 et s., n° 254-255), la jurisprudence
allemande a eu tendance à favoriser la loi matrimoniale par rapport à la loi successorale : « [...] le
Tribunal de l'Empire affirma qu'« il faut considérer comme un élément du régime matrimonial les
dispositions qui ont l'apparence ou la nature de règles successorales, mais qui ont pour objet la continuation
d'une communauté ayant existé pendant le mariage ou qui peuvent être conçues comme une conséquence
immédiate de celle-ci. ». ». L'arrêt rendu par le BGH en 2015 (cf. supra n° 67) témoignerait de la
persistance de cette tendance favorable à la loi matrimoniale.
13. Cass. civ., 25 juin 1957, Silvia et Cass. civ., 15 févr. 1966, n° 63-12777, Campbell-Johnston :
B. Ancel et Y. Lequette, GAJDIP, n° 29 (« Rattachement et catégories se conditionnent mutuellement
au sein de la règle de conflit. ») et n° 42 (« Défini en fonction de la catégorie, [le rattachement] contribue
en même temps à la modeler dans la mesure où, en cas d'hésitation, la question sera classée dans la
catégorie à laquelle est affecté le rattachement qui lui convient le mieux. ») ; P. Mayer et V. Heuzé, Droit
international privé, op. cit., n° 170 ; M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de La Pradelle, Droit international
privé, op. cit., n° 323. Par exemple, selon G. Couchez (thèse précitée, p. 144), s'agissant de la loi
applicable au mandat domestique, c'est la nature du rattachement des catégories en concours (régime
matrimonial et effets du mariage) qui a conduit Bartin à préférer la catégorie des effets du mariage
tant il lui paraissait illogique de soumettre « une institution dont le jeu ne dépend à aucun titre de la
volonté des parties » à la loi du régime, loi d'autonomie.

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