Doctorat & Notariat - Tome 68 - Le statut patrimonial du conjoint survivant en droit international privé - 214

200 LE STATUT PATRIMONIAL DU CONJOINT SURVIVANT EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
329. Exercée trop précocement, l'autonomie de la volonté n'est pas d'un
grand secours pour anticiper les difficultés de coordination résultant d'un dépeçage,
on l'a vu. Mais, exercée après le premier décès, elle réintroduit une souplesse
bienvenue. Une fois le régime matrimonial dissous par décès, le conjoint
survivant et les héritiers du prémourant ne pourraient-ils, au terme d'un accord
procédural (a) ou d'un accord de fond (b), rétablir l'unité de loi en liquidant le
régime matrimonial selon une loi autre que celle désignée par la règle de conflit
de lois matrimoniale ?
a) Licéité et intérêt d'un accord procédural portant sur la loi matrimoniale ?
330. la condition de la disponibilité des droits concernés. Les parties doivent
bénéficier de droits disponibles pour pouvoir éluder la loi applicable, et lui substituer
une autre loi, au sein d'un accord procédural. De prime abord, on pourrait
penser que l'impérativité de la règle de droit marque l'indisponibilité des droits en
cause. Il suffirait alors de constater qu'aucune règle d'ordre public au sein de la
lex fori180
autre critère : seraient disponibles les droits auxquels on peut renoncer182
. Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson propose dès lors un
. En
n'empêche un accord de volontés pour qualifier les droits de disponibles.
Mais les deux notions ne se confondent pas : « tandis que l'impérativité
affecte les règles de droit, l'indisponibilité porte sur les droits subjectifs issus d'une
situation juridique. »181
droit interne français, les droits que confère le régime matrimonial sont indisponibles
tant qu'il n'est pas dissous. En revanche, après sa dissolution, les droits
qu'il confère deviennent disponibles. Le principe d'immutabilité du régime matrimonial
- ou, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, de mutabilité contrôlée183
- n'étant plus d'ordre public après la dissolution du régime184
. La Cour de cassation a d'ail,
les parties peuvent
renoncer à leurs droits et en disposer. Un époux peut en effet renoncer à un bien
propre, à une récompense ou encore à une créance de participation si le régime est
dissous, ou sur le point de l'être par un divorce185
leurs recouru très récemment à cette figure de l'accord procédural dans le cas d'un
régime matrimonial dissous par divorce, s'agissant d'époux mariés bien avant
180. Doit-on apprécier la disponibilité du ou des droits en cause au regard de la lex fori ou de la lex
causae ? La doctrine est partagée. Sur le plan logique et sur le plan pratique, on voit difficilement
pourquoi l'on devrait apprécier la disponibilité d'un droit au regard d'une loi étrangère susceptible d'être
éludée par l'accord procédural. Pour cette raison, c'est au regard de la lex fori que l'on devrait apprécier
la disponibilité du ou des droits en cause. En ce sens, B. Ancel et Y. Lequette, GAJDIP, n° 84.
181. S. Godechot-Patris, « L'évolution de l'office du juge : quelles conséquences pour la pratique
notariale ? », op. cit.
182. B. Fauvarque-Cosson, Libre disponibilité des droits et conflits de lois, op. cit., p. 116 et s.
183. C. Rieubernet, « De la nouvelle mutabilité des régimes matrimoniaux », Les Petites Affiches,
2019, n° 80-81, p. 10 : « [...] la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice met un
terme au principe d'immutabilité des régimes matrimoniaux, laissant place à une mutabilité, certes
encore contrôlée, mais considérablement facilitée. » ; F. Terré et P. Simler, Droit civil Les régimes
matrimoniaux, op. cit., n° 214.
184. F. Terré et P. Simler, Droit civil Les régimes matrimoniaux, op. cit., n° 243. En cas de divorce :
J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, op. cit., n° 193 in fine.
185. Cass. 1re
civ., 11 juin 2003, n° 99-14612 : « [...] rien n'interdisait aux époux, pour parvenir à
civ.,
une convention définitive de divorce, de considérer, sous réserve des droits des tiers, cet immeuble,
initialement propre du mari, comme étant un bien commun, [...] ; » ; dans le même sens : 1re
23 sept. 2015, n° 14-20168, précité : « [...] lors de l'instance en divorce, pour l'appréciation de la
prestation compensatoire, M. Y... avait soutenu que le bien litigieux constituait un bien commun, ce dont
le juge du divorce avait tenu compte ; que ces énonciations caractérisent une renonciation non équivoque
de M. Y... à se prévaloir du caractère propre de ce bien lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux
des époux ; ».
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