Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale - 2e - 146

146 USUFRUIT, GESTION DE PATRIMOINE ET PRATIQUE NOTARIALE
bonne foi, devra remettre le bien en l'état, mais le nu-propriétaire devra
l'indemniser dans les mêmes conditions65.
200. Les autres questions soulevées. Dans le prolongement du raisonnement
selon lequel l'usufruitier est propriétaire des constructions édifiées, la
Cour de cassation considère que le nu-propriétaire ne peut exercer l'action
en garantie décennale puisqu'il n'est pas le maître de l'ouvrage.
Il est admis, qu'en l'absence de définition légale du maître de l'ouvrage,
cette qualité revient au propriétaire de l'immeuble, ou au titulaire du
droit de construire66.
La décision du 13 avril 2023 s'articule ainsi avec un arrêt du 16 novembre
202267, au sein duquel la Cour de cassation avait considéré que « L'usufruitier,
quoique titulaire du droit dejouir de la chose comme le propriétaire, n'en est pas
le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d'usufruitier, l'action en
garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage et non à sa jouissance
». Dans cette affaire, l'usufruitier avait pourtant édifié des constructions
sur un terrain dont la propriété était démembrée, de sorte qu'il était
propriétaire jusqu'au terme de son droit, lui permettant ainsi d'agir sur le
fondement de la garantie décennale. Seulement, la solution semble résulter
du fait qu'il n'avaitjamais invoqué la propriété de l'ouvrage, pas plus qu'un
mandat donné par le nu-propriétaire, mais au contraire qu'il ne disposait
que d'un usufruit sur la construction.
Par conséquent, la lecture combinée des décisions du 16 novembre 2022 et
du 13 avril 2023 permet d'aboutir au constat suivant :
- Si l'usufruitier et le nu-propriétaire du terrain n'ont pas régi le sort de la
construction, alors le premier en est plein propriétaire, de sorte qu'il
peut exercer l'action en garantie décennale en qualité de maître de l'ouvrage
;
- Si l'usufruitier et le nu-propriétaire du terrain ont régi le sort de la construction
en prévoyant son démembrement, alors le second doit être
considéré comme le maître de l'ouvrage, lui ouvrant ainsi une possible
action en garantie décennale.
En dernier lieu se pose la question de la conservation de la substance à
laquelle est tenu l'usufruitier en application de l'article 578 du Code civil.
En effet, on pourrait admettre que l'usufruitier ne respecte pas cette obligation
en cas de réalisation d'une construction sur le terrain dont la propriété
est démembrée. La doctrine majoritaire considère néanmoins que
65. C. Grimaldi, Droit des biens, déjà cité, nº 166 et s.
66. N. Renard, « La notion de maître de l'ouvrage », Defrénois 2019, nº 17, p. 37.
67. Cass. 3e
civ., 16 nov. 2022, nº 21-23505, déjà cité.
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