Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale - 2e - 307

LES OPÉRATIONS SUR LES DROITS DÉMEMBRÉS À TITRE GRATUIT 307
412. La question de la nécessité de l'imputation de la donation de l'usufruit successif
sur l'usufruit légal du conjoint. L'articulation entre ce rapport spécial
en moins prenant et l'usufruit légal du conjoint pose un problème. Apparemment,
la lettre du texte de l'article 758-6 du Code civil impliquerait une
application générale de l'imputation, y compris en présence d'un usufruit
légal188. Pourtant, puisque cet usufruit porte sur les biens existants, certains
auteurs se sont demandé pourquoi il conviendrait de déduire de l'usufruit
légal des libéralités qui n'ont pas été préalablement réunies à ces biens existants.
En effet, pour le Professeur Vareille, « l'imputation ne se conçoit guère que
pour déduire une valeur d'une masse où elle a été prise en compte, et dans l'esprit
qu'un même avantage ne profite deux fois au conjoint bénéficiaire»189. Dès lors, il
conviendrait de cumuler la vocation légale en usufruit avec les libéralités
entre époux sans que l'ensemble ne puisse excéder la quotité disponible
spéciale190. Le Professeur Grimaldi considère en revanche que l'imputation
n'aurait pas lieu pour les seules libéralités en usufruit. En revanche, s'agissant
des libéralités en pleine propriété, elles devraient s'imputer pour la
valeur de la nue-propriété sur la valeur de l'usufruit191. Nous croyons
qu'en pareille hypothèse le cumul n'a pas lieu d'être quelle que soit la
nature de la libéralité entre époux. Aussi un usufruit successif devrait-il pouvoir
se cumuler avec l'usufruit légal du conjoint survivant. Une solution
contraire n'aurait aucun sens dans la mesure où la libéralité en usufruit
au conjoint ne lui octroierait aucun enrichissement du fait de son imputation
sur l'usufruit légal.
413. Conseils pratiques. En pratique, le notaire devra évaluer avec le disposant
l'ampleur, tant en assiette qu'en valeur, des dispositions qu'il souhaite prendre.
Ainsi,
dans l'hypothèse où un époux consent à son conjoint un usufruit successif
alors même que les enfants sont communs, il peut être judicieux de
conseiller le recours à une donation de biens à venir entre époux ou à un
legs de la quotité disponible spéciale entre époux. De la sorte, même si le
notaire liquidateur faisait le choix d'imputer l'usufruit successif sur l'usufruit
légal, le survivant pourrait évidemment profiter de l'usufruit portant
sur toute la succession192.
188. Dans ce sens, S. Berre, « La réversion d'usufruit, instrument de protection du conjoint survivant
? », Defrénois 2009, nº 2, p. 197, spéc. nº 7.
189. B. Vareille, « Réflexions sur l'imputation en droit des successions », op. cit., nº 25.
190. Ibid., nº 27.
191. M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., spéc. nº 198. V. également : S. Torricelli-Chrifi, « L'imputation
troublante des libéralités entre époux sur les droits légaux », APSP 2020, nº 4, dossier
28, spéc. nº 8 et s.
192. V. H. Leyrat, « De l'intérêt de conseiller une donation entre époux à l'occasion de la stipulation
d'un usufruit successif», Defrénois 2020, nº 51-52, p. 25.

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