Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale - 2e - 324

324 USUFRUIT, GESTION DE PATRIMOINE ET PRATIQUE NOTARIALE
Cela ne pose aucune difficulté en pratique. Cette solution est justifiée par le
fait que la pleine propriété du bien figure dans le patrimoine successoral.
En revanche, la situation est plus complexe lorsque l'usufruit à durée fixe
est encore au cours au jour du décès du disposant. Dans ce cas, s'agissant
d'une libéralité en usufruit, la doctrine248, comme la jurisprudence249,
enseignent que son imputation a lieu en assiette. Il s'agit de la seule
méthode permettant d'assurer « l'intangibilité» de la réserve héréditaire250,
laquelle doit être libre de charges (C. civ., art. 912). Dès lors que la donation
d'usufruit à durée fixe a été consentie en avancement de part successorale,
elle s'imputera sur l'assiette de la réserve individuelle du donataire
et subsidiairement sur celle de la quotité disponible, l'excédent étant réductible
(C. civ., art. 919-1, al. 1er
). Lorsqu'elle a été stipulée hors part successorale,
elle s'imputera sur l'assiette de la quotité disponible, l'excédent étant
réductible (C. civ., art. 919-2).
Lorsque l'assiette de l'usufruit à durée fixe excède celle du disponible, bien
que la doctrine soit apparemment muette sur ce point, rien ne s'oppose à
l'application de l'article 917 du Code civil. Selon ce texte, « Si la disposition
par acte entre vifs ou par testament est d'un usufruit ou d'une rente viagère dont la
valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une
réserve, auront l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la
propriété de la quotité disponible ». Or cet article, dont l'application concerne
généralement les legs entre concubins ou partenaires d'un PACS, n'exclut
en aucun cas les donations d'usufruit251, viager ou à durée fixe. Toutefois, il
convient de rappeler qu'il ne saurait s'appliquer au conjoint survivant252,
lequel, parce qu'il peut bénéficier de la quotité disponible spéciale entre
époux (C. civ., art. 1094-1), peut se voir gratifier de l'usufruit de la réserve.
En revanche, rien, dans la lettre du texte, ne s'oppose à l'application de
l'article 917 à une libéralité en usufruit consentie à un héritier réservataire.
Néanmoins, cette situation sera exceptionnelle en pratique en raison du
fait que la donation d'un usufruit temporaire en cours lors du décès du
disposant, même si elle s'impute en assiette, excédera rarement l'assiette
de la quotité disponible. De surcroît, l'application de l'article 917 du Code
248. N. Duchange, « Démembrements de propriété et libéralités : recherche d'un système cohérent
d'imputation », RTD civ. 2001, p. 795 ; A. Chamoulaud-Trapiers, « La réserve et les libéralités
en usufruit et en nue-propriété », Defrénois 2019, nº 46, p. 24 ; M. Grimaldi, Droit des successions,
op. cit., nº 854 et s.
249. Cass. 1re civ., 19 mars 1991, nº 89-17094, D. 1992, p. 229, note B. Vareille ; RTD civ. 1992, p. 162,
obs. J. Patarin ; Defrénois 1992, nº 23, p. 1565, obs. G. Champenois.
250. M. Grimaldi, Droit des successions, op. cit., nº 361.
251. Cl. Brenner, JCl. Code civil, vº art. 912-930-5, Fasc. 30 : Imputation des libéralités, 2017, spéc.
nº 34.
252. Ibid., nº 36.
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