Carrières judiciaires - Entrer à l'ENM, l'épreuve de QRC - 1re - 100

PARTIE II - PROGRAMME DE L'ÉPREUVE

quatre grandes périodes dans la modélisation de la justice : « La Justice du roi, la
Justice de la Révolution, la Justice de l'Empire, la Justice de la République. » Ainsi,
au cours des siècles, l'histoire de la justice a forgé progressivement l'état actuel de
la magistrature ; chaque période historique caractérisant un état de la magistrature
qui, par-delà les siècles et les réformes, ancre la spéciﬁcité actuelle du corps des
magistrats.
Magistrature de l'Ancien Régime : entre justice retenue et vénalité des charges
À cette période, l'organisation de la justice est liée à la royauté, source de tout pouvoir ;
la justice est inhérente au roi, ce que représente l'iconographie à travers l'image
de Louis IX rendant la justice sous son chêne ou ce qu'illustre la métaphore du roi
« fontaine de justice ». Dès lors, coexistent un système de justice retenue et de justice
déléguée caractérisés par une très grande complexité. À cette période les juges étaient
des officiers et le système était celui de la vénalité des offices. « Seuls les titulaires de
poste de 1er président, procureur général des parlements et avocats généraux étaient
nommés directement par le roi » (B. Garnot, Histoire des juges en France de l'Ancien
Régime à nos jours, Nouveau Monde éditions, 2014, p. 52).
Le système de la vénalité des offices se structure progressivement :
- 1467 : inamovibilité des officiers ;
- 1604 : création de La Paulette (du nom du conseiller Charles Paulet) instaurant
l'hérédité des charges pour les officiers acceptant de s'acquitter d'un droit annuel
proportionnel à la valeur de leur office.
De la vénalité et de la patrimonialité des offices découlent des caractéristiques qui,
pour certaines, marquent encore de leur empreinte la magistrature contemporaine :
- une inamovibilité des magistrats à raison de la possession de leurs charges ;
- une entrée assez jeune dans la carrière (Étienne de la Boétie entre en fonction à
23 ans au Parlement de Bordeaux, en 1554) ;
- la création de dynasties judiciaires ;
- un esprit de corps. Selon Benoît Garnot, « dès le xvie siècle et même avant, la magistrature s'est efforcée de se singulariser au sein de la société environnante, en en
rajoutant dans les exigences morales et les autocontraintes » (op. cit., p. 72). Les
magistrats entendaient se démarquer de la noblesse et souhaitaient que leur apparence physique retrace leur rigueur morale ;
- une fonction judiciaire conçue moins comme un métier que comme un état. Benoît
Garnot remarque que « le vrai salaire du magistrat c'était principalement les honneurs
et les privilèges, l'office était considéré davantage comme une dignité que comme un
capital » (op. cit., p. 66) ;
- une indépendance que Benoît Garnot explique par la combinaison de deux facteurs
essentiels : le caractère purement théorique du refus de nomination par le roi et
l'élévation dans la hiérarchie par l'ancienneté (et non par l'acquisition de charge plus
élevée). Il note ainsi : « Dans les parlements, c'est bien elle, l'ancienneté qui commande
le cursus honorum : il voit les conseillers passer de chambre en chambre, au ﬁl des
années, en commençant par les enquêtes, pour transiter par les requêtes [...], jusqu'à
la plus prestigieuse des chambres, la grand'chambre. » (op. cit., p. 104). Il souligne
cependant que ce développement de carrière s'accompagne, pour ceux des magistrats
qui ambitionnent d'être nommés aux postes de premier président ou de procureur
général d'un parlement, de la démonstration de qualités de courtisan permettant
d'accéder à ces postes de prestige mais dont la rareté faisait tout le prix (v. notamment op. cit., p. 105 et s.) ;
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