Carrières judiciaires - Entrer à l'ENM, l'épreuve de QRC - 1re - 50

PARTIE I - TECHNIQUE DE L'ÉPREUVE

Aucun régime politique ne considère le président de la République comme un « justiciable » ordinaire et il doit pouvoir, de ce fait, bénéﬁcier d'une protection strictement
proportionnée aux exigences de sa fonction. La nécessité de la protection juridictionnelle du chef de l'État s'appuie à la fois sur la séparation des pouvoirs qui fait
écran à l'irruption d'autorités judiciaires dans le champ d'action du chef de l'État et la
continuité de l'État qui implique que « celui qui l'incarne soit toujours en mesure de
le faire » (rapport de la Commission de réﬂexion sur le statut pénal du président de la
République). Le président Sauvé fait aussi remarquer que « la protection juridictionnelle se justiﬁe également par la nécessité de distinguer clairement les responsabilités
personnelle et politique du chef de l'État. La Commission de réﬂexion sur le statut pénal
du président de la République a, semble-t-il, notamment médité le cas du président
Clinton, qui avait été exposé à une procédure d'impeachment à la suite d'une action
en dommages-intérêts. Il est donc apparu nécessaire de prévenir les dérives d'un
harcèlement judiciaire à vocation essentiellement politique. Il en résulte trois mesures
de protection de la fonction présidentielle vis-à-vis de mises en cause de la responsabilité personnelle, qui se rencontrent peu ou prou dans la plupart des Constitutions
étrangères, comme dans la Constitution de notre pays ».
Les modalités de la protection juridictionnelle du chef de l'État telles qu'elles résultent
du nouveau dispositif distinguent nettement l'homme de la fonction.
Ainsi, l'irresponsabilité pour les actes « accomplis en qualité de chef de l'État » le met
à l'abri de toute mise en cause de sa responsabilité civile ou pénale pour des faits
liés à sa fonction (art. 67, al. 1er C.). Cette irresponsabilité se retrouve dans la plupart
des constitutions des États démocratiques. Par ailleurs, l'inviolabilité du chef de l'État
exclut qu'il puisse, en principe, faire l'objet de mesures de contrainte liées à la mise
en œuvre de procédures juridictionnelles, qu'elles soient pénales ou civiles. L'alinéa 2
de l'article 67 de la Constitution précise en effet : « Il [le chef de l'État] ne peut, durant
son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être
requis de témoigner non plus que de faire l'objet d'une action, d'un acte d'information,
d'instruction ou de poursuite ». Il s'agit donc d'une protection temporaire du chef de
l'État destinée à protéger la fonction et non son titulaire. Elle prend logiquement ﬁn
au terme du mandat. L'article 67 in ﬁne précise à cet égard que « tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu et que les instances et procédures auxquelles
il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées à l'expiration d'un délai
d'un mois suivant la cessation de ces fonctions ». Se trouve garanti, dans le droit ﬁl de
la décision de la Cour de cassation, le caractère temporaire de la protection. Le chef
de l'État qui a bénéﬁcié d'une immunité et d'une inviolabilité temporaires peut faire
l'objet de procédures juridictionnelles dès le terme de ses fonctions.
Par ailleurs, l'article 67 réserve deux hypothèses. Il précise, indirectement, que le chef
de l'État peut être poursuivi devant la Cour pénale internationale, par référence aux
dispositions de l'article 53-2 de la Constitution ; et par ailleurs, il renvoie aux dispositions de l'article 68 relatif à la destitution du président de la République.
Les modalités de la destitution du président résultent des dispositions de cet article
modiﬁé par la loi constitutionnelle du 23 février 2007, complétées par celles de la
loi organique du 24 novembre 2014 prises pour son application. La destitution est
une procédure politique et non juridictionnelle, applicable en cas de manquement du
président à ses devoirs, manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat.

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