Carrières judiciaires - Entrer à l'ENM, l'épreuve de QRC - 1re - 53


CHAPITRE II - ILLUSTRATIONS

Par ailleurs, l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 précise « La Nation
garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction [...] ».
La liberté de l'enseignement ne trouve pas son siège dans la Constitution. En effet,
aucun article de la Constitution ou du bloc de constitutionnalité n'évoque directement ou
indirectement la liberté de l'enseignement, sauf si l'on admet avec Jules Ferry qu'elle
est indissociable de la liberté d'expression (DDHC, art. 11). Cette situation ne doit pas
surprendre, elle est liée au refus exprimé par l'Assemblée constituante en août 1946,
après un débat passionné, d'inscrire cette dernière dans le Préambule. Cependant,
ce refus n'a pas fait obstacle à la reconnaissance par le Conseil constitutionnel de la
valeur constitutionnelle de cette liberté à travers les principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République. Qualiﬁcation à laquelle il procède dans sa décision du
23 novembre 1977 rendue à l'occasion de l'examen de la loi Guermeur.
Le caractère constitutionnel de la liberté de l'enseignement a été réaffirmé notamment
par la décision du 8 juillet 1999 à propos de l'enseignement supérieur. La liberté de
l'enseignement et le droit d'enseigner se rapportent essentiellement à la pluralité de
l'enseignement, c'est-à-dire à la reconnaissance de la coexistence d'un enseignement privé et d'un enseignement public, coexistence à laquelle ne s'oppose nullement
la disposition du Préambule selon laquelle l'organisation d'un enseignement public
gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l'État (Préambule Constitution de
1946, alinéa 13). C'est ainsi, en effet, que l'a déﬁnie le Conseil constitutionnel dans sa
décision éponyme du 23 novembre 1977 en son deuxième considérant : « Considérant
d'une part, que la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'État par
contrat, notion reprise de l'article premier, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1959
sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés, n'est que la
mise en œuvre du principe de la liberté de l'enseignement ». Ainsi entendue, la liberté
de l'enseignement doit être distinguée de la liberté pédagogique des enseignants
reconnue à l'article L. 912-1-1 du Code de l'éducation. La constitutionnalisation de la
liberté de l'enseignement en 1977 est sans doute liée à la prise de conscience d'une
possible accession au pouvoir d'une majorité dont on n'ignore pas qu'elle professe une
autre conception de l'enseignement. Cette conception de la liberté de l'enseignement
trouve un écho au sein des textes internationaux. D'une part, le pacte international
relatif aux droits économiques et sociaux et culturels du 16 décembre 1966 dont
l'article 13-3 dispose : « L'État s'engage à respecter la liberté des parents [...] de choisir
pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics [...]. »
D'autre part, la Conv. EDH dans l'article 2 du premier protocole additionnel précise
que l'État doit respecter « [...] le droit des parents d'assurer cette éducation et cet
enseignement conformément à leurs convictions religieuses ou philosophiques ». La
Cour précise par ailleurs que « L'État doit sauvegarder la possibilité d'un pluralisme
éducatif essentielle à la préservation d'une société démocratique telle que la conçoit
la Convention », CEDH, 5 février 1990, Graeme c/ Royaume-Uni.
Les principes généraux de la liberté de l'enseignement sont inscrits dans un chapitre
unique du titre V du livre Ier du Code de l'éducation. Ils expriment les devoirs de l'État,
notamment en matière ﬁnancière. La liberté de l'enseignement va-t-elle jusqu'à la
reconnaissance du ﬁnancement par l'État des établissements privés ? D'une part,
le Préambule affirme le caractère laïc gratuit de l'enseignement assuré par l'État
mais, d'autre part, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 1977 (23 novembre,
Liberté de l'enseignement), affirme que cet élément ne fait pas obstacle à l'existence
de l'enseignement privé, ni à l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans les
conditions prévues par la loi.

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