Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 15

INTRODUCTION

temporelle s'agissant de l'encadrement de ces mesures. Il n'en est rien : si la
garde à vue a fait l'objet d'une reconnaissance formelle dès l'adoption du Code
de procédure pénale, et de nombreuses modifications depuis, l'audition libre
n'est formellement introduite dans le code que depuis la loi du 27 mai 2014. La
raison d'un tel décalage doit être rappelée : le caractère privatif de liberté de la
garde à vue a conduit à encadrer cette mesure bien plus tôt. Sans dénaturer la
dimension résolument pratique du présent ouvrage, il est possible de retracer
rapidement ces évolutions, car le rappel du chemin parcouru est souvent utile
pour appréhender la situation actuelle.

A - HISTORIQUE DE LA GARDE À VUE
13 › Naissance hors cadre. Non mentionnée dans le Code d'instruction criminelle, la garde à vue s'est d'abord développée en dehors de toute disposition et
de tout cadre23. Seule l'audition du témoin était prévue et la pratique s'est
ensuite développée autour du maintien du suspect « à vue ». Ce développement
interpelle au regard des termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, prohibant toute rigueur non nécessaire pour
s'assurer de la personne présumée innocente. Mais le texte indique qu'une
telle rigueur peut être nécessaire et cette nécessité s'est retrouvée dans cette
pratique. Il a fallu attendre le décret du 20 mai 1903 relatif à la gendarmerie
pour que le placement en garde à vue soit prévu : l'article 124 précise les conditions et les formalités devant être respectées pour retenir une personne, notamment à la fin de son audition24.
14 › Reconnaissance législative. L'adoption du Code de procédure pénale a été
l'occasion de consacrer et de réglementer la garde à vue : l'article 63, dans sa
version issue de la loi du 31 décembre 195725, prévoyait ainsi que « si, pour les
nécessités de l'enquête, l'officier de police judiciaire est amené à garder à sa
disposition une ou plusieurs des personnes visées aux articles 61 et 62, il ne
peut les retenir plus de vingt-quatre heures ». Les règles relatives à la garde à
vue étaient alors réduites à l'encadrement temporel, aux formalités de suivi et à
la possibilité d'un examen médical, à l'initiative du procureur ou à la demande
de la famille26. Les droits de la personne suspectée et gardée à vue étaient tout
à fait absents, les dispositions se limitant à encadrer cette privation de liberté
nécessaire pour l'enquête. Après avoir reconnu cette mesure, le législateur a
donc dû préciser le cadre de sa mise en œuvre. Mais mises à part quelques
retouches très spécifiques27, les règles relatives à la garde à vue sont restées
identiques pendant plus de 35 années. La mesure permettait pourtant de retenir
23. V. sur ce point A. DECOCQ, J. MONTREUIL et J. BUISSON, Le droit de la police, Litec, 2e éd. 1998, spéc. nº 21 et s.
24. Sur cette possibilité, v. not. M. BLONDET « Les pouvoirs de la police et de la gendarmerie au cours de l'enquête préliminaire », JCP 1956. I. 1311.
25. Loi nº 57-1426 du 31 déc. 1957 instituant un Code de procédure pénale.
26. Ces formalités et cet examen étaient alors prévus par l'article 64 du Code de procédure pénale, dans sa version
initiale.
27. On peut notamment citer l'ordonnance nº 60-121 du 13 févr. 1960 modifiant certains articles du Code de procédure pénale et du Code de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer en vue notamment de
faciliter la poursuite des infractions à la sûreté intérieure ou à la sûreté extérieure de l'État, JORF du 14 févr. 1960,
p. 1450, qui avait doublé les délais applicables pour de tels faits ; la loi nº 63-22 du 15 janv. 1963 modifiant et

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