Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 23

LE RECOURS À LA GARDE À VUE ET À L'AUDITION LIBRE

des raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de
commettre une infraction, « elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la
disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue »7. Le texte
reconnaissait donc a contrario que le suspect pouvait être retenu sans
contrainte, sans le régime de la garde à vue8. Le Conseil constitutionnel a
ensuite reconnu cette possibilité, tout en apportant quelques précisions et
garanties, mais celles-ci étaient encore insuffisantes9.
29 › La reconnaissance du statut du suspect. Il a fallu attendre la loi du 27 mai
2014, transposant la directive du 22 mai 201210, pour que l'audition libre soit
réglementée et pour que le statut du suspect soit précisé11. Ainsi, la personne
à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a
commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue librement
sur ces faits selon les modalités de l'article 61-1 du Code de procédure pénale,
ou faire l'objet d'une garde à vue, selon les dispositions des articles 62-2 et suivants du même code. On remarque immédiatement que l'article 62-2 envisage le
soupçon comme résultant d'« une ou plusieurs raisons plausibles », là où l'article 61-1 l'envisage au pluriel, soit « des raisons plausibles ». L'usage du pluriel
ne doit toutefois pas conduire à distinguer deux définitions du soupçon, où l'une
serait plus étroite que l'autre. Il faut en effet espérer que « la jurisprudence ne
tirera pas argument de ce pluriel impératif pour décider, comme elle le fit
naguère à propos du statut de mis en examen, qu'un indice accablant, mais
unique, laisse la possibilité d'entendre le suspect librement, comme simple
témoin, en dehors des droits de la défense »12. Dès lors qu'il y a soupçon, l'audition de la personne doit respecter le cadre de l'audition libre ou celui de la
garde à vue.
30 › Appréciation de l'existence de soupçons. Si la définition du suspect a été
(enfin) introduite par la loi du 27 mai 2014, l'appréciation de cette qualité reste
subjective. Ce statut repose en effet sur l'appréciation des éléments dont disposent les enquêteurs, leur permettant de déterminer s'il existe, à l'égard de l'intéressé, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou
tenté de commettre une infraction. Il repose pareillement sur l'appréciation du
magistrat instructeur des indices concernant la participation de l'intéressé aux
faits dont il est saisi. La Cour de cassation n'a pas encore été conduite à se prononcer sur la nullité résultant de l'audition d'une personne en qualité de témoin
alors même que des « raisons plausibles » de soupçonner auraient dû contraindre les enquêteurs à l'auditionner selon l'un des cadres procéduraux prévus. Il
est alors à craindre que l'interprétation jurisprudentielle des dispositions de
7. Art. 62, al. 2, du CPP dans sa rédaction issue de la loi nº 2011-392 du 14 avril 2011.
8. L'on retrouve à nouveau la théorie du « sous-sous - sans-sans », C. AMBROISE-CASTÉROT, « Les suites de la réforme de la
garde à vue », in La garde à vue : de la réforme à la pratique, op. cit., spéc. p. 43.
9. V. supra nº 20.
10. Directive nº 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information
dans le cadre des procédures pénales, JOUE du 1er juin 2012, L142/1.
11. V. supra nº 22.
12. R. OLLARD, « Quel statut pour le suspect au cours de l'enquête pénale ? À propos de la loi du 27 mai 2014 », JCP G,
2014, 912.

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