Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 76

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

refuser de contacter l'avocat désigné en présence d'un conflit d'intérêts, seul le
bâtonnier a qualité pour désigner un autre défenseur en cas de conflit
d'intérêts148. Enfin, lorsqu'il est nécessaire de procéder à l'audition simultanée
de plusieurs personnes placées en garde à vue, le procureur de la République,
d'office ou à la demande de l'officier ou de l'agent de police judiciaire, peut saisir
le bâtonnier afin qu'il soit désigné plusieurs avocats149.
134 › Appréciation du conflit d'intérêts ou d'efficacité. Il est essentiel de souligner que le premier arbitre du conflit d'intérêts est l'avocat désigné ou commis
d'office. Dans le respect des règles déontologiques, sous-tendues par l'intérêt
de la personne soupçonnée, il est fondamental qu'un avocat s'attache à relever
le conflit d'intérêts et à détecter le conflit à venir. Cela est d'autant plus délicat
que dans cette phase procédurale où s'exercent pour la première fois les droits
de la défense, l'accès au dossier consiste en la seule consultation des pièces
mentionnées à l'article 63-4-1. Concernant l'efficacité, et même s'il doit être
relevé que seul le procureur de la République - d'office ou saisi par l'OPJ -
pourrait l'autoriser, le bâtonnier peut être saisi pour désignation de plusieurs
avocats commis d'office s'il « est nécessaire de procéder à l'audition simultanée
de plusieurs personnes placées en garde à vue ». Cette disposition ne doit pas
faire échec au principe du libre choix de l'avocat qui demeure un principe essentiel. On peut s'interroger sur le contrôle qui pourrait être exercé sur le bienfondé de cette « nécessité ». Au regard de la pratique, il peut être relevé que
les enquêteurs expriment parfois des craintes sur le fait qu'un même avocat,
librement choisi par plusieurs personnes gardées à vue, constitue un vecteur
de communication et d'échanges d'informations entre ces dernières. Ce serait
alors méconnaître les dispositions de l'article 63-4-4 interdisant à l'avocat de
« faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en
consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations ». « Quiconque » s'entend également d'autres personnes qui seraient
alors placées en garde à vue dans la même procédure et dont il assurerait
aussi la défense.

2) L'entretien avec l'avocat
135 › Le préalable aux droits de la défense. Bien avant de pouvoir bénéficier de
l'assistance d'un avocat lors des auditions, la personne placée en garde à vue
pouvait avoir un entretien avec son avocat, pour que celui-ci puisse lui délivrer
des conseils ; un tel entretien a d'ailleurs été reconnu comme « un droit de la
défense »150. La possibilité n'a pas disparu, fort heureusement, lors de la
réforme de 2011151, ce qui renforce l'utilité de l'intervention de l'avocat lors de
148. Cass. crim., 21 oct. 2015, nº 15-81032.
149. Art. 63-3-1, al. 6, CPP.
150. Le Conseil constitutionnel avait considéré que « le droit de la personne de s'entretenir avec un avocat au cours de
la garde à vue constitue un droit de la défense qui s'exerce durant la phase d'enquête de la procédure pénale »
(Cons. const., 11 août 1993, nº 93-326 DC, consid. 12).
151. On note toutefois qu'un tel entretien n'est pas expressément prévu lors de l'audition libre, même s'il peut être
accordé en pratique, v. infra nº 176.

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