Guide pratique - La garde à vue et l'audition libre - 1re - 96

LA GARDE À VUE ET L'AUDITION LIBRE

§ 4 - LE DROIT À L'ASSISTANCE D'UN INTERPRÈTE
183 › Droit pour tout suspect en ayant besoin. Le dernier droit commun,
reconnu à la personne gardée à vue et à la personne librement entendue, est
celui d'être assistée par un interprète, si elle ne comprend ou ne parle pas le
français ou si elle est atteinte de surdité. Ce ne sont donc pas tous les suspects
qui bénéficient de ce droit, mais seulement ceux qui en ont besoin, quel que soit
le cadre de leur audition. Les dispositions applicables à la garde à vue comme à
l'audition libre prévoient la reconnaissance de ce droit à l'assistance d'un interprète (A), ce qui conduit à envisager les modalités de cette assistance (B).

A - LA RECONNAISSANCE DU DROIT À L'ASSISTANCE D'UN INTERPRÈTE
184 › Consécration textuelle. Si le droit à l'assistance d'un interprète avait déjà
été garanti par la jurisprudence247, celui-ci a été formellement consacré par la
loi du 5 août 2013, pour transposer la directive nº 2010/64/UE du 20 octobre
2010. L'article préliminaire du Code de procédure pénale s'est ainsi enrichi
d'un nouvel alinéa, prévoyant non seulement le droit à un interprète, mais
aussi le droit à la traduction des pièces essentielles du dossier. Le texte prévoit
désormais que « si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme
de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens
avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience,
et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces
essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du
procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code ». On précise tout de suite que lors de l'audition libre ou lors de la
garde à vue, en ce qu'il n'est pas prévu un accès aux pièces du dossier,248 le
droit à la traduction ne trouve pas à s'appliquer249.
185 › Non compréhension de la langue française ou surdité. La consécration
du droit à l'assistance d'un interprète au sein de l'article préliminaire est remarquable, compte tenu du symbole que cela représente, mais on peut considérer
que la loi du 5 août 2013 est restée au milieu du gué. En effet, elle ne reconnaît
le droit à un interprète que pour la personne ne comprenant pas la langue
française ; la question reste entière pour les personnes atteintes de surdité et
qui ne peuvent communiquer qu'avec l'assistance d'un interprète en langue
des signes. On se rassure en observant que depuis la loi du 15 juin 200, la personne gardée à vue qui est atteinte de surdité et qui ne sait ni lire ni écrire doit
être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne
247. Cass. crim., 6 déc. 1994, nº 94-84235 ; pour la garde à vue, Cass. crim., 18 juin 2008, nº 08-80086, où la
Cour avait considéré que l'absence de l'interprète lors de l'entretien avec l'avocat équivalait à l'absence d'interprète. Il s'agissait ici d'une évolution intéressante, la Cour ayant pu considérer par le passé que l'assistance d'un
interprète n'est pas nécessaire dès lors que l'enquêteur s'exprime dans une langue compréhensible par la personne entendue (Cass. crim., 27 nov. 2001, nº 00-88078).
248. Si ce n'est les documents visés par l'article 63-4-1, mais ces derniers ne sont d'ailleurs pas visés par l'article
D. 594-6 du CPP au titre des pièces essentielles.
249. Sur ce sujet, v. not. B. LAVIEILLE, « Une réforme pénale impérieuse : la traduction des actes de procédure pénale aux
parties civiles, mis en examen ou prévenus étrangers », AJ pénal 2009, p. 443.

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