Revue - Gazette du Palais n° hors-série 1 - 24 avril 2018 - 10
Actes de colloque
I. LE RÔLE DE CONSEIL
ET D'ANTICIPATION DE L'AVOCAT
EN AMONT DU CONTENTIEUX
Cyril Roth
La première prise de contact avec le client est l'occasion
de balayer l'ensemble des éléments qui pourraient faire
basculer la situation dans le champ du droit international
privé.
La check-list n'a pas vocation à être compliquée : avezvous, ou votre partenaire, une nationalité étrangère ? L'un
d'entre vous a-t-il déjà vécu à l'étranger ? Y vit-il actuellement ? Avez-vous un projet d'expatriation ? Un projet
d'adoption ? Des enfants à déshériter peut-être ?
Le passé, le présent, l'avenir international du client, en
quatre ou cinq questions seulement.
Quelques indices encore, qui ne sont pas de véritables
éléments d'extranéité, peuvent attirer l'attention : la naissance des parties ou des enfants à l'étranger, le lieu de la
célébration du mariage, l'évocation d'une interdiction de
sortie du territoire.
Une fois identifiée la situation de DIP, l'avocat peut proposer du prêt-à-porter ou du sur-mesure.
A. Le prêt-à-porter
Patrick Wautelet
Le droit international privé contemporain offre des outils
pour accompagner les situations de mobilité. Dans la boîte
à outils, on peut d'abord utiliser le « prêt-à-porter », à
savoir les outils standards qui sont à la disposition de tout
un chacun.
Il y a en simplifiant deux outils standards, que sont les
clauses de choix de juridiction, d'une part, et les clauses
de choix de loi, d'autre part.
Ces outils bien connus des praticiens du droit des affaires -
on rencontre rarement un contrat de vente international
qui ne comporte ni clause d'élection de for, ni clause de
choix de loi. Mais ces outils ont aussi leur importance en
matière familiale.
Je voudrais en quelques minutes procéder à un bref panorama de ces outils en distinguant d'abord leurs avantages
et ensuite leurs inconvénients ou plutôt les limites.
Au rayon des avantages des clauses de choix de loi
ou d'élection de for, il ne faut pas chercher très loin.
L'avantage primaire de ces accords, c'est bien entendu
d'éviter l'incertitude qui peut être liée à la mise en œuvre
des règles de droit international privé. Celles-ci donnent
en général des résultats assez prévisibles, mais ce n'est
pas toujours le cas. L'exemple classique est celui de la
résidence habituelle, qui est utilisée comme fondement
de nombreuses règles. Pour le commun des mortels, la
résidence habituelle est simple à déterminer, nous avons
un lieu de vie plus ou moins stable. Mais pour certaines
personnes ou dans certaines situations, l'appréciation de
la résidence habituelle est plus délicate - on pense au
couple franco-anglais qui réside à Londres la semaine
et au Touquet pendant le week-end ; ou s'agissant d'un
enfant, à la question de la résidence habituelle in utero :
un enfant qui n'est pas encore né, et dont la maman déménage au 7e mois de la grossesse pour s'installer dans un
autre État : où se trouve sa résidence habituelle ?
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La clause de choix de loi permet de couper court à ces
discussions en fixant la loi applicable. Le même constat
vaut pour la clause de choix de juridiction : une telle clause
permet d'éviter les angoisses liées au choix de la juridiction à saisir.
Si l'on regarde plus loin, les clauses permettent aussi
d'éviter le morcellement de lois : aujourd'hui, nous disposons d'instruments distincts pour les différents pans
du contentieux familial - pour prendre le divorce, il y a le
règlement Rome III qui se prononce sur la loi applicable
au divorce en tant que tel et le Protocole Aliments qui fait
la même chose pour l'éventuelle créance d'un ex-époux
envers l'autre. Il est vrai que ces deux textes retiennent
en première ligne la loi de la résidence habituelle, mais ce
n'est pas nécessairement la même résidence habituelle.
Prenons un couple belgo-français qui vit en France. Ils se
séparent. Le conjoint belge retourne vivre en Belgique et
le conjoint français demeure en France où il introduit une
procédure de divorce : la loi applicable au divorce est la loi
française, qui est la loi de la dernière résidence habituelle
des époux (Règl. n° 1259/2010, 20 déc. 2010, art. 8, b))
alors qu'en principe la loi applicable aux aliments est la loi
belge, loi de la résidence habituelle actuelle de l'épouse.
Cette coordination par le biais de clauses de choix est
aussi utile lorsque les membres d'une famille ont planifié
et programmé certains événements comme le divorce ou
le décès - dans ce cas, les choix qu'ils font - par exemple
l'exclusion d'une prestation compensatoire - peuvent être
validés par la loi choisie.
Ces outils présentent donc des avantages certains et il faut
pouvoir s'en saisir, pour conseiller utilement des clients
qui se trouvent aujourd'hui ou se trouveront demain dans
une situation internationale. Mais pour bien conseiller
ces clients, il faut aussi être conscient des limites de ces
instruments qui ne sont pas des remèdes miracles permettant d'effacer toutes les difficultés qui surgissent du
caractère international d'une situation.
Je mentionne certaines de ces limites sans les développer
en détail. La première limite saute aux yeux : la clause de
choix de loi est présente dans tous les instruments, mais
la clause de choix de juridiction étonnamment absente. On
ne la trouve ni dans le règlement Bruxelles II bis à propos
du divorce, ni dans les règlements patrimoniaux (règlement succession et les deux règlements portant sur les
relations patrimoniales au sein du couple). Cette absence
interpelle. Elle n'est pas compensée par la possibilité de
choix indirect que prévoient certains de ces règlements -
un futur défunt ne peut par exemple sous l'empire du
règlement successions, imposer la compétence des tribunaux d'un État, mais il peut choisir sa loi nationale et
dans ce cas, les héritiers et légataires pourront s'accorder
pour soumettre les litiges aux tribunaux de l'État dont la
loi a été choisie - c'est un choix indirect, qui n'est qu'une
solution de fortune. Cette absence de possibilité de choisir
le for doit, je pense, vous conduire à vous interroger sur
la possibilité de recourir à l'arbitrage (v. infra, les conventions sur-mesure).
La deuxième limite a trait à l'encadrement des clauses.
S'agissant de l'electio juris, le choix est toujours encadré.
On ne peut choisir n'importe quel droit ; le choix est limité
à certaines hypothèses bien définies. Quand on examine
la liste, on constate que la panoplie de choix offerte est
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