Gazette du Palais - Hors série 3 - Réactivité et adaptation dans la vie des affaires - 44e Colloque de l'association Droit & Commerce - 22 et 23 mars 2019 - Deauville - 64

Actes de colloque

RÉAGIR, S'ADAPTER MAIS AUSSI CONSIDÉRER L'AVENIR...

Existe-t-il une seconde chance dans la vie des affaires ?
Aspects de procédure
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L'essentiel

L'acteur économique qui agit en justice pour défendre ses droits serait imprudent de croire qu'il dispose d'une
seconde chance d'obtenir un jugement sur son litige : non seulement le premier examen de son affaire est
semé d'embûches qui peuvent parfois l'empêcher d'être entendu sur le fond, mais encore il lui est impossible
de revenir devant le même juge après un rejet de sa demande en raison du principe de concentration des
moyens !

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Par

Natalie FRICERO

Professeure à l'université
Côte d'Azur, membre du
Conseil supérieur de la
magistrature, présidente
de la Commission
nationale d'examen
d'accès au CRFPA,
directrice de l'Institut
d'études judiciaires

1. Pour le justiciable comme
pour son avocat, la mise en
place d'une stratégie procédurale pertinente pour
défendre les intérêts en présence doit être mûrement
réfléchie. Que ce soit en première instance ou en appel,
le non-respect d'exigences
procédurales de plus en
plus nombreuses se traduit
le plus souvent par la perte
définitive d'une chance d'obtenir du juge une réponse
juridictionnelle sur le fond.

2. L'analyse des dispositifs prévus par le Code de
procédure civile et le Code
de commerce permet de
conclure à ce que l'on pourrait nommer « l'absence de
droit au rebond judiciaire » : toute erreur est lourdement
sanctionnée et la deuxième chance est généralement
exclue... Cette conclusion se vérifie en première instance
comme en appel. L'examen de l'affaire est semé d'embûches et le non-respect des exigences procédurales tant
prétoriennes que légales conduit souvent à une situation de non-retour, même s'il demeure quelques zones
d'espoir !

I. UN PREMIER EXAMEN DE L'AFFAIRE
SEMÉ D'EMBÛCHES

3. Plusieurs exemples procéduraux peuvent être pris pour
démontrer que des limites importantes sont posées au
justiciable qui veut avoir une deuxième chance d'obtenir
une réponse juridictionnelle : soit parce qu'il a souscrit un
contrat lui imposant d'abord une tentative de règlement
amiable, soit parce qu'il peut opposer l'absence d'autorité
de la chose jugée, soit enfin parce qu'il peut se contredire
au cours de la même instance !

A. L'impossible saisine du juge en raison
d'une clause contractuelle

4. Les contrats d'affaires fourmillent de clauses dites de
« règlement amiable » par lesquelles les parties s'engagent à résoudre leur différend par un mode amiable
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.

G A Z E T T E D U PA L A I S - M E r C r E D I 1 9 J U I N 2 0 1 9 - N O h o rs - s é ri e

(conciliation, médiation, transaction ou autre processus)
avant de saisir un tribunal de commerce notamment. Tout
n'est pas perdu : même après signature d'une transaction
il reste une chance, certes limitée, de saisir le juge pour
obtenir un jugement sur le fond...

1. Une tentative de règlement amiable imposée avant
la réponse juridictionnelle
5. La Cour de cassation favorise les modes amiables en décidant que la sanction du non-respect de telles clauses est
l'irrecevabilité de la demande en justice, que les parties ne
peuvent en aucun cas régulariser en cours d'instance, ni
en appel. La chambre commerciale (1) l'a rappelé récemment, à propos d'une convention de prestation de services
prévoyant qu'« en cas de litige, les parties s'engagent à
trouver un accord amiable avec l'arbitrage de la FEDIMAG.
À défaut d'accord amiable, compétence est attribuée au
tribunal de commerce (...) nonobstant pluralité des parties » : la Cour de cassation précise que la cour d'appel
en a exactement déduit que la clause instituait une procédure de conciliation préalable et que la demande était
donc irrecevable.

La jurisprudence révèle que les
juges devant lesquels l'irrecevabilité
de la demande est opposée doivent
interpréter la portée de la clause

Cette sanction très efficace ne prive évidemment pas le
demandeur définitivement d'un accès au juge, mais elle le
contraint à respecter la force obligatoire du contrat (2) et,
en cas d'échec du mode amiable, lui permet de saisir la
juridiction compétente en lui offrant une deuxième chance,
à condition toutefois que le droit ne soit pas prescrit dans
l'intervalle (une demande irrecevable ne maintient pas
l'effet interruptif de la prescription, selon l'article 2241 du
Code civil) !
6. Néanmoins, de telles clauses placent l'avocat et le justiciable qu'il représente dans une situation parfois délicate,
parce qu'elles sont souvent ambiguës et ne recouvrent
pas toutes les situations procédurales, ce qui génère des

(1) Cass. com., 30 mai 2018, nos 16-26403 et 16-27691, PB.
(2) C. civ., art. 1103.

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