Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020 - 14

Actualité

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PROFESSIONS

Avocats : le temps des changements

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L'essentiel

La crise sanitaire a plongé l'ensemble dans la profession d'avocat dans une situation de tension en terme
d'activité et de trésorerie, affaiblissant précipitamment nombre d'entre nous. L'épisode du printemps 2020,
en espérant qu'il soit isolé, a mis en lumières nos fragilités et parfois accéléré leurs effets. Il nous permet
également d'identifier les orientations et les efforts qu'il est désormais indispensable de déployer dans
la conduite de notre activité, dans nos orientations stratégiques, dans notre formation initiale et continue,
dans notre rapport à notre profitabilité et dans notre manière d'animer et de travailler en groupe. Il est
malheureusement possible que de telles séquences de crises se reproduisent, mais nous n'aurons pas une
nouvelle occasion de conduire les changements nécessaires pour nous y préparer.

J

amais la profession
d'avocat n'a été confrontée à des changements aussi
substantiels que simultanés. Elle avait certes été
par le passé confrontée à
des transformations de son
statut et à des périodes de
crises. Mais elle n'avait jamais véritablement affronté
une révolution industrielle
Libres propos par
et anthropologique aussi
Kami HAERI
importante que celle à
Ancien membre du
laquelle nous assistons
conseil de l'Ordre,
depuis quelques années.
ancien secrétaire de la
Qu'il s'agisse de la globaliconférence, responsable
de la commission
sation, qui a bouleversé les
« Contentieux des
pratiques professionnelles
affaires » au barreau de
et accentué la dimension
Paris
géopolitique du droit, de la
transformation numérique
qui fait voler en éclats les modèles et les certitudes de la
profession, ou d'une transformation sociétale qui bouleverse hiérarchies, modes de gouvernance et dynamiques
de pouvoirs, les phénomènes auxquels les avocats sont
désormais confrontés les conduisent inexorablement vers
un devoir de changement et de redéfinition de leur projet
collectif et individuel.
Quelle transformation  ? Il convient en premier lieu de
s'interroger sur la nature de la transformation à laquelle
la profession est confrontée.
Ce serait une erreur de n'y voir qu'une révolution technologique axée sur la multiplication de notre capacité de
stockage, de calcul et de miniaturisation. Cette transformation est avant tout anthropologique. Elle touche si
structurellement nos comportements qu'elle transforme
l'individu et les écosystèmes au sein desquels il évolue.
Elle transforme les usages, les besoins et les offres,
elle bouleverse toutes les professions, en fait émerger
de nouvelles, et anéantit certaines d'entre elles. Notre
profession n'est pas épargnée. Surtout, cette mutation
transforme tout, partout, et de manière uniforme. Aucune
pratique professionnelle n'est épargnée. C'est d'ailleurs
une erreur collective de n'avoir pas su déceler depuis
quelques années les divers signaux visibles dans d'autres
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professions, certes différentes de la nôtre, mais touchées
avec la même amplitude par des phénomènes identiques.
La transformation numérique n'est en effet pas vécue différemment à Londres, à Paris, à Lagos ou à Tokyo. Partout
où elle se produit, cette révolution produit les mêmes
conséquences. Nous avons manqué de sens d'observation, peut-être un peu d'humilité aussi, en estimant que
ces phénomènes contourneraient notre territoire et affecteraient toutes les autres professions, dans tous les pays
du monde, sauf la nôtre en France.
Les caractéristiques de cette révolution numérique sont
systématiquement les suivantes : émergence d'une accessibilité de l'information, plus grande transparence
tarifaire, standardisation d'un certain nombre de prestations désormais duplicables et rééquilibrage des rapports
de force entre le prestataire de services et l'usager par
l'émergence d'une capacité de notation offerte à ce-dernier. Si nous observons les différents produits ou services
que nous consommons quotidiennement à travers l'outil
numérique, les caractéristiques que nous venons d'évoquer en constituent inexorablement le point commun.
Aucune industrie n'échappe à ces phénomènes.
Dans ces conditions, le client étant désormais en mesure
de s'exprimer en temps réel sur les qualités respectives
de la prestation et du prestataire, « l'expérience client »
est devenue la clé de voûte de la construction de toute
offre. Parallèlement à cela, la fragmentation, la dispersion
et l'accessibilité permanente à l'information ont fait voler
en éclats les monopoles de connaissances si chers à de
nombreuses professions et notamment celles de juristes
et d'avocats. Le droit est devenu une matière plus fluide,
accessible partout, par tous, ce qui au demeurant nous
impose d'élever substantiellement la valeur ajoutée que
nous entendons apporter à nos clients car ces derniers
disposent désormais en permanence d'information et
d'outils qui permettent de traiter les opérations les plus
usuelles, y compris celles sur lesquelles nombre d'avocats avaient établi leur modèle économique.
Cette fluidité bouleverse également le modèle historique
et territorial de l'avocat. Si nous continuons à évoluer au
sein de barreaux et d'écosystèmes homogènes, la notion
de territorialité qui constituait peu ou prou les frontières,
voire les remparts, géographiques et politiques de nos
exercices respectifs s'effrite et nous devons - même si
l'exercice est inhabituel voire contre intuitif - désormais
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