Revue - Gazette du Palais - N°34 du 06 octobre 2020 - 28

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PROCÉDURE PÉNALE

Le placement sous contrôle judiciaire après une remise
en liberté : éclaircissements de la Cour de cassation
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L'essentiel

Dans son arrêt rendu le 5 août 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle les grands
principes en matière de placement sous contrôle judiciaire après une remise en liberté. Lorsque celle-ci
résulte d'une décision rendue par la Cour de cassation, seul le juge d'instruction se trouve compétent pour
ordonner un placement sous contrôle judiciaire. Ainsi, ni le juge des libertés et de la détention ni la chambre
de l'instruction saisie de l'appel du ministère public contre une ordonnance rendue par ce dernier ne peuvent
prononcer une telle mesure de sûreté.

Cass. crim., 5 août 2020, no 20-82087, M. F. U., F-PBI (cassation CA Nancy, 12 mars 2020), M. Moreau,
prés., M. Maziau, rapp., M. Lemoine, av. gén. ; SCP Waquet, Farge et Hazan, av.

A

lors que les débats sur
la rétention de sûreté
Manon VIGLINO
ont repris, depuis la récente
Docteure en droit privé,
décision du Conseil constiATER à l'université Savoie
tutionnel  (1) , l'arrêt sous
Mont-Blanc
commentaire démontre
toute la difficulté de l'instauration d'une mesure de sûreté
après une remise en liberté. Un homme, mis en examen
des chefs de recel, d'escroquerie et d'association de malfaiteurs, exerce un pourvoi en cassation aux fins de voir
constater la violation des droits de la défense qu'il a subie
et ainsi l'irrégularité de l'ordonnance le plaçant en détention provisoire. La chambre criminelle, dans un arrêt du
26 février 2020 (2), constate l'irrégularité de l'ordonnance
de placement en détention provisoire, et casse l'arrêt
rendu par la cour d'appel de Nancy le 3 décembre 2019.
Le jour de la libération de l'intéressé, le procureur de la
République saisit le juge des libertés et de la détention
d'une demande de placement sous contrôle judiciaire. Le
juge des libertés et de la détention se déclare incompétent. Les règles de compétences en matière de détention
provisoire sont en effet extrêmement complexes, et même
s'il a pu être affirmé, dans une célèbre chronique : « résignons-nous donc à un contentieux chaotique  » (3), ce
contentieux doit appeler «  l'attention des juristes avec
suffisamment d'acuité  » (4). L'hypothèse du placement
sous contrôle judiciaire d'une personne mise en liberté à
la suite d'une détention irrégulière interroge ainsi quant à
l'effectivité de la garantie des droits et libertés fondamentaux par les différents acteurs de la procédure pénale. En
effet, le juge des libertés et de la détention, ayant compétence exclusive en matière de détention provisoire
en raison de la gravité d'une telle mesure, se trouve ici
incompétent s'agissant du prononcé d'un contrôle judiciaire. Cette incompétence du juge des libertés et de la
Note par

(1) Cons. const., 7 août 2020, n° 2020-805 DC.
(2) Cass. crim., 26 févr. 2020, n° 19-87769.
(3) Remplon L., « La maîtrise du contentieux de la détention en cas d'opposition
entre chambre d'accusation et juge d'instruction », JCP G 1978, 2887.
(4) Remplon L., « La maîtrise du contentieux de la détention en cas d'opposition
entre chambre d'accusation et juge d'instruction », JCP G 1978, 2887.

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G A Z E T T E D U PA L A I S - m a r d i 6 o c to b r e 2 0 2 0 - N O 3 4

détention (I) est d'autant plus discutable qu'elle laisse
entre les mains du juge d'instruction un contentieux pourtant sensible (II).

I. L'IMPOSSIBILITÉ DU PLACEMENT SOUS
CONTRÔLE JUDICIAIRE PAR LE JUGE
DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
DANS L'HYPOTHÈSE D'UNE MISE
EN LIBERTÉ PRONONCÉE PAR LA COUR
DE CASSATION
La chambre criminelle rappelle que «  lorsque la mise
en liberté d'une personne irrégulièrement détenue résulte d'un arrêt de la Cour de cassation, le procureur
de la République ne peut saisir le juge des libertés et de
la détention de réquisitions aux fins de placement sous
contrôle judiciaire, mesure que seul le juge d'instruction
peut alors ordonner en application de l'article 139 du Code
de procédure pénale ». L'article 139 du Code de procédure pénale prévoit en effet que « [l]a personne mise en
examen est placée sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d'instruction qui peut être prise en tout état
de l'instruction ». La chambre de l'instruction s'était pour
sa part fondée sur le deuxième alinéa de l'article 803-7 du
Code de procédure pénale, selon lequel le procureur de la
République peut saisir le juge des libertés et de la détention lorsqu'il ordonne la libération d'une personne dont la
détention provisoire est irrégulière. Cet alinéa s'applique
cependant uniquement hors des cas prévus par le premier
alinéa. Or bien que la Cour de cassation ne puisse, en application du premier alinéa de l'article 803-7 du Code de
procédure pénale, prononcer le placement sous contrôle
judiciaire de la personne dont elle ordonne la mise en
liberté immédiate, comme peut le faire la chambre de
l'instruction (5), cela ne transfère pas pour autant ce droit
au juge des libertés et de la détention. Effectivement, la
Cour de cassation, si elle constate l'irrégularité de la détention provisoire, doit en tirer les conséquences légales,
et ordonner la libération de la personne concernée. Elle

(5) Mallet P. et Lorrain R., « Détention provisoire après remise en liberté : mode
d'emploi », AJ pénal 2020, p. 362.
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