Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 15 septembre 2021 - 22

Actes de colloque
fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur
le fonctionnement de l'Union Européenne, 2013, Commission
européenne).
Ce Guide a été complété en juillet 2019 par une communication
de la Commission sur des orientations à l'intention
des juridictions nationales sur l'évaluation des surcoûts
pour les acheteurs indirects (cf. Comm. UE, juill. 2019,
n° 2019/C 267/07, Orientations à l'intention des juridictions
nationales sur la façon d'estimer la part du surcoût
répercuté sur les acheteurs en direct : JOUE C 267, 9 août
2019, p. 4).
5.2. Le Guide aborde tout d'abord la question du scénario
contrefactuel qui constitue la pierre angulaire de
l'indemnisation.
Or, comme la situation contrefactuelle est hypothétique
et ne peut généralement pas être observée directement,
il est nécessaire de procéder à des estimations pour
construire un scénario de référence pour le comparer à
la situation réelle.
On distingue trois catégories de méthodes pour construire
la situation contrefactuelle :
- méthode comparative (ou but for) ;
- simulation à l'aide d'analyses économétriques ;
- ou bien encore approches financières.
Ces méthodes soulèvent toutes des difficultés d'application
:
- les comparaisons avant-après posent la question du lien
direct, car les différences observées entre les situations
avant et après peuvent ne pas être imputables en totalité
à l'infraction. L'analyse économétrique peut dans certains
cas aider à remédier à ces difficultés ;
- la comparaison avec des marchés similaires posent le
problème de la pertinence de la comparabilité ;
- les méthodes de simulation peuvent se heurter à la
nécessité de disposer d'une grande masse de données et
peuvent présenter un caractère trop théorique.
5.3. Le Guide applique ces méthodes dans deux catégories
de préjudices très différents : le cas des ententes avec la
question de la répercussion des surcoûts et celle des pratiques
d'éviction.
5.3.1. Dans le cas des ententes, des entreprises fixent des
prix excessifs qui constituent des surcoûts pour les acheteurs
directs ou indirects.
Le Guide considère (§ 139) qu'il peut être superflu pour le
demandeur de quantifier les effets de l'entente.
En effet, des études menées à la demande de la
Commission ont montré que près de 70 % des ententes
conduisent à des surcoûts compris entre 10 et 40 %
avec une moyenne autour de 20 %. Néanmoins une telle
moyenne peut difficilement être applicable à une situation
particulière.
Cette analyse a d'ailleurs été suivie dans une décision récente
de la cour régionale de Dortmund qui considère les
méthodes difficilement applicables en l'espèce et propose
à la suite d'une analyse des faits (§ 135 à 160) une estimation
des effets de l'entente à hauteur de 15 % du prix,
corroborée par les résultats des études économiques en
la matière (cf. Régional Court Dortmund, 30 sept. 2020, n°
8 O 115/14, Kart, § 132 : possibilité pour la cour « d'estimer
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librement le montant du préjudice subi lorsque l'éclaircissement
complet de toutes les circonstances pertinentes à
cet effet comporte des difficultés disproportionnées par
rapport à l'importance de la partie litigieuse de la créance
» - réf. à l'article 287, § 2 de la ZPO).
Le traitement de la question de la répercussion des
surcoûts par le demandeur à l'action est facilité par la
Directive qui prévoit une présomption réfragable de nonrépercussion
ce qui facilite l'action en demande.
Cette question, comme indiqué plus haut, a été approfondie
en juillet 2019 par la Commission dans son document
d'orientation (cf. note 5.1).
La Commission a souligné qu'un surcoût peut être répercuté
sur toute la chaîne de production et peut concerner
aussi bien des produits que des services.
Le bénéfice de la présomption réfragable de répercussion
par l'acheteur direct peut s'étendre aux acheteurs
indirects dès lors que l'acheteur direct a subi un surcoût
et que l'acheteur indirect a acheté les biens et services
concernés par l'infraction.
Ces questions ont déjà donné lieu à de nombreuses décisions
en Europe.
Nous examinerons ci-après, en particulier, les décisions
Cheminova de 2015 au § C.1. (tribunal maritime et commercial
danois, 15 janv. 2015, n° SH2015.U-0004-07) et
Doux Aliments de 2014 au § C.2 (CA Paris, 27 févr. 2014,
n° 10/18285).
5.3.2. Les pratiques d'éviction des concurrents visées par
les articles 101 et 102 du TFUE comprennent les pratiques
de verrouillage telles que prédation, accords exclusifs,
refus de fourniture, ventes liées et groupées.
Le Guide souligne la difficulté d'établir ce type de préjudice
(§ 193) car l'établissement du scénario contrefactuel
peut nécessiter des données complexes se rapportant à
une situation hypothétique surtout lorsque l'entreprise
évincée n'était pas présente avant l'infraction.
5.4. Le Guide suggère en vue de rendre la réparation effective
« de prévoir des exigences moindres aux fins de la
quantification du préjudice ».
L'idée générale est que le demandeur peut parvenir à une
première estimation du préjudice qui soit suffisante pour
renverser la charge de la preuve (§ 197).
Lorsqu'il s'agit de nouveaux entrants évincés, le Guide
souligne que les systèmes juridiques nationaux devraient
tenir compte des difficultés inhérentes à la quantification
de ce préjudice.
Il s'agit en effet, en pratique, d'inverser la charge de la
preuve puisque si l'on admet pour le demandeur un standard
de preuve « allégé », on reporte sur le défendeur
l'essentiel de la charge de la démonstration dès lors que
le demandeur aura présenté un certain nombre de faits et
d'éléments de preuve qui peuvent permettre de justifier
avec une certitude raisonnable l'existence d'un préjudice.
Nous allons aborder les trois domaines suivants d'application
de la Directive à travers la jurisprudence récente :
- La présomption du préjudice inférée de la faute et son
quantum (I)
- L'épineuse question des intérêts compensatoires (II)
- La question du passing on (III)
hor s-sér ie
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