Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 15 septembre 2021 - 5

Actes de colloque
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LA CONCURRENCE DANS TOUS SES ÉTATS
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Propos introductifs
L'essentiel
Le droit de la concurrence dans tous ses états ! Le thème du colloque 2021 de l'association Droit & commerce
reflète bien les turbulences que connaît aujourd'hui cette matière. Sa capacité à évoluer pour se mettre
au diapason des évolutions sociétales et économiques sans se dénaturer puise dans son histoire, qui s'est
construite par étapes. Au temps de l'apprentissage et de la centralisation, a succédé celui de la maturité et
de la modernisation. L'époque actuelle est-elle celle de la remise en cause ?
L
e droit de la concurrence
européen a bientôt
65 ans et le droit français
bientôt 35, si l'on date
la vraie naissance de ce
dernier à l'adoption de l'ordonnance
du 1er
1986 (1)
décembre
. C'est en effet à cette
date que la concurrence a
« acquis un nouveau statut »
en France (2)
. En Europe, il
Par
Emmanuelle CLAUDEL
Professeure à l'université
Panthéon-Assas (Paris 2)
a connu bien des bouleversements
et soubresauts
depuis son avènement,
qui se sont répercutés sur
les droits nationaux. Car
si les articles que lui consacrent les traités constitutifs
sont restés inchangés, à l'exception de leur numérotation
- les articles 85, 86 et 90 du traité CEE sont devenus
les articles 81, 82 et 86 du traité CE puis 101, 102 et 106
du TFUE -, il serait illusoire d'en conclure à une matière
immobile.
De ces évolutions et soubresauts, il me semble pouvoir
dégager trois temps :
- le temps de l'apprentissage, qui correspond grossièrement
aux décennies 60 à 90, et que l'on pourrait baptiser,
avec un peu d'exagération « le droit de la concurrence à
l'état gazeux » ;
- le temps de la maturité et de la modernisation, presque
contemporaine au nouveau siècle, qui correspond à
l'adoption du règlement (CE) n° 1/2003 du 16 décembre
2002, et que l'on pourrait baptiser « l'état de grâce » ;
- le temps présent ou celui de la remise en cause, dans
le cadre duquel le droit de la concurrence est confronté à
de nouveaux défis et s'interroge sur ses outils. C'est l'état
de crise.
C'est à l'étude de ces trois temps et de ces trois états, à ce
portrait en quelque sorte historique de la matière, que je
voudrais m'employer dans ce rapport introductif.
I. LE TEMPS DE L'APPRENTISSAGE
(1960-2003) : LE DROIT
DE LA CONCURRENCE
À L'ÉTAT GAZEUX
Si les grands principes du droit antitrust ont été posés dès
la naissance du droit européen à travers les articles 85
à 94 du traité CEE, ces principes manquaient de chair.
L'époque était donc à l'apprentissage des règles. Pour
cela, deux institutions ont été à la proue : la Cour de justice
(A) et la Commission européenne (B).
A. Le rôle de la Cour de justice : le temps des grands
arrêts fondateurs
C'est l'époque des grands arrêts fondateurs, dont certains
attendus sont devenus des standards qui nourrissent encore
la jurisprudence et la doctrine. Ils nous rappellent
tout ce que nous devons à la Cour car ses arrêts ont
« façonné les contours de ce droit antitrust européen
naissant » (3)
. Citons-en quelques-uns, avec la conscience
aiguë d'un choix difficile et largement arbitraire.
Parmi les premiers grands arrêts figurent incontestablement
l'arrêt Brasserie de Haecht (1967) (4)
, qui a
défini la notion d'affectation du commerce entre les États
membres, ainsi que l'arrêt Walt Wilhelm (1969) (5)
, qui
a posé le principe de l'effet direct de l'article 85, mais
aussi dégagé les critères d'application du principe non bis
in idem en droit européen de la concurrence. D'autres
arrêts ont, très tôt (6)
, jeté les bases de l'application dite
extraterritoriale du droit communautaire et de la théorie
des effets. Ce fut le cas des arrêts Beguelin (1971) (7)
Ahlström Osakeyhtiö (1988) (8)
évidemment l'arrêt Klaus Höfner et Fritz Elser (1991) (9)
ou
. En droit substantiel, citons
qui
(3) L. Idot (préf.), Grands arrêts du droit de la concurrence, vol. 1, 2016, Concurrences
(l'ouvrage exploite quant à lui les grands arrêts rendus postérieurement
à 2014).
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
(1) Pour une célébration de ses 30 ans, v. le colloque organisé le 1er
décembre 2016
par l'AFEC et la cour d'appel de Paris sur le thème Le droit français de la concurrence,
trente ans après. L'ordonnance du 1er
pectives, 2017, LGDJ.
décembre 1986, Évolutions et perspectives, 2008, LexisNexis.
décembre 1986 : rétrospectives et pers(2)
L'expression est empruntée à Laurence Idot, Vingtième anniversaire de l'ordonnance
du 1er
(4) CJCE, 12 déc. 1967, n° 23/67, SA Brasserie de Haecht (ECLI:EU:C:1967:54).
(5) CJCE, 13 févr. 1969, n° 14/68, Walt Wilhelm (ECLI:EU:C:1969:4).
(6) Ils ont ensuite été complétés en droit des concentrations par l'arrêt Gencor du
25 mars 1999 (Trib. UE, 25 mars 1999, n° T-102/96, ECLI:EU:T:1999:65), à
la frontière temporelle de la période étudiée, qui a consacré la théorie des effets
qualifiés, avant que l'arrêt Intel de 2017 l'emporte en droit des pratiques anticoncurrentielles
(CJUE, 6 sept. 2017, n° C-413/14 P, Intel Corp. Inc. c/ Commission
européenne, ECLI:EU:C:2017:632).
(7) CJCE, 25 nov. 1971, n° C-22/71, Beguelin (ECLI:EU:C:1971:113).
(8) CJCE, 27 sept. 1988, nos
A. Ahlström Osakeyhtiö (ECLI:EU:C:1988:447).
(9) CJCE, 23 avr. 1991, n° C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser
(ECLI:EU:C:1991:161).
GAZETTE DU PALAIS - mercredi 15 septembre 2021 - N O
hor s-sér ie
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joints 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129/85,
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