Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 28 juin 2022 - Le droit des entreprises en difficulté de 1985 à 2025. Une recherche de meilleurs équilibres - 19

Actes de colloque
- la procédure de sauvegarde ne saurait désormais dépasser
une durée maximale de douze mois avec une
prorogation exceptionnelle de six mois à la demande du
ministère public.
21. Depuis l'ordonnance de 2014, l'article L. 642-18 du
Code de commerce dispose qu'un débiteur, personne
physique, peut, compte tenu de sa situation personnelle
et familiale, obtenir des délais de grâce pour quitter son
habitation principale lorsque celle-ci est vendue en liquidation
judiciaire. C'est le tribunal qui en fixe la durée.
La loi PACTE prévoit désormais que le maintien de la
rémunération devient le principe et la fixation par le jugecommissaire
l'exception. Ainsi, l'article L. 631-11 du Code
de commerce dispose que la rémunération est maintenue
sauf décision contraire du juge-commissaire.
Les textes prévoient également l'octroi de subsides ou
d'un bien dépendant de l'actif à titre de secours au profit
du débiteur de bonne foi.
Les seuils d'éligibilité au rétablissement professionnel ont
été modifiés par l'ordonnance du 15 septembre 2021, les
biens insaisissables n'entrent désormais plus dans l'évaluation
des actifs du débiteur. Nous savons, depuis, que la
loi du 14 février 2022 est allée plus loin encore.
22. J'évoque à présent la récente réforme du statut de
l'entrepreneur individuel, consacrée par la loi du 14 février
2022, qui a vu disparaître l'EIRL, non pas pour remettre
en cause la protection des biens personnels de l'entrepreneur,
mais pour l'ancrer encore plus dans notre droit
positif, puisque, désormais,
il n'est plus nécessaire
d'adopter un statut particulier ou de régulariser une
déclaration d'insaisissabilité de sa résidence principale,
car le législateur vient d'entériner le fait que l'entrepreneur
individuel dispose maintenant de deux patrimoines,
l'un personnel et l'autre professionnel. La loi définit ce
patrimoine professionnel, constitué des biens, droits,
obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles
à son activité, les autres éléments constituant son patrimoine
personnel.
23. Je ne reviens pas ici en détail sur les aspects procéduraux
mais il m'apparaît important de vous indiquer,
puisque mon propos concerne la protection du chef d'entreprise,
que celui-ci, lorsqu'il fait l'objet d'une procédure
de liquidation judiciaire, peut exercer désormais par ailleurs
une autre activité.
Cette possibilité existait auparavant dans le cas d'une
EIRL, à condition que la nouvelle activité n'engage pas
le patrimoine concerné par la procédure, mais la loi du
14 février 2022 va à présent bien au-delà.
Dans le cadre du rétablissement professionnel, le débiteur
peut également poursuivre son activité et il le doit car,
pour être éligible à cette procédure, il doit pouvoir justifier
de cette poursuite lors de la demande d'ouverture.
24. Ces dispositions en faveur du chef d'entreprise nous
amènent maintenant à évoquer les suites de ces différentes
procédures ou comment le chef d'entreprise peut
rebondir.
3. Et après ? Protection du débiteur en faveur
du rebond
25. Permettre aussi au chef d'entreprise de rebondir, tel
est l'enjeu après la clôture de la procédure.
26. L'article L. 643-11 du Code de commerce érige le
principe de la non reprise des poursuites individuelles,
et énumère les exceptions à ce principe, comme celles
nées d'une infraction pénale, d'une fraude ou bien quand
le débiteur a été condamné à une mesure de faillite personnelle
ou de banqueroute. Avant 2014, cette exception
s'appliquait également aux personnes ayant été condamnées
à une mesure d'interdiction de gérer. Il semble que
le législateur ait, là encore, souhaité favoriser le rebond.
27. En matière de sanctions personnelles, on peut noter
aussi la possibilité de solliciter du tribunal, qui a prononcé
la mesure, un relèvement. En effet, l'article L. 653-11
dispose qu'il peut, quand le débiteur a suffisamment
contribué au paiement du passif, le relever. Cette exigence
patrimoniale de paiement des créanciers disparaît en présence
d'une mesure d'interdiction de gérer, puisque, pour
en être relevé, le débiteur doit uniquement démontrer ses
capacités à gérer à nouveau une entreprise.
28. La disparition de la mention de la liquidation judiciaire
au casier judiciaire de l'entrepreneur individuel contribue
là encore à gommer les disparités entre celui-ci et
le dirigeant de personne morale. Toutefois, cette mention
demeure inscrite pendant cinq ans au fichier des incidents
de remboursement des crédits tenu par la Banque
de France.
29. Les exigences de cotation de cette dernière ont été
assouplies dans le cadre de la loi PACTE.
30. Les délais de publicité des jugements de plan de sauvegarde
et de redressement au registre du commerce et
des sociétés ont été réduits à deux ans alors que, auparavant,
les délais étaient respectivement de trois et cinq ans
pour ces décisions.
31. Enfin, le législateur dans le cadre de la transposition
de la directive Insolvabilité, dont je me suis laissé dire
qu'elle allait être modifiée, habilite, dans l'article 196 de la
loi PACTE, le gouvernement à prendre les textes de transposition
favorisant la poursuite de l'activité, la sauvegarde
de l'emploi, l'apurement du passif et le rebond des entrepreneurs
honnêtes et permettant la réduction des coûts et
des délais de procédure, ce qui démontre, là encore, la
volonté du législateur de favoriser le rebond et la sortie
rapide du chef d'entreprise des procédures collectives.
II. PROTECTION RELATIVE DU CHEF
D'ENTREPRISE PERSONNE PHYSIQUE
A. Limites à la protection patrimoniale du chef
d'entreprise
32. Outre le constat d'une modération de la protection du
chef d'entreprise (1), se pose encore la question des imperfections
des mécanismes de protection, susceptibles
d'en affaiblir la portée (2).
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