Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 28 juin 2022 - Le droit des entreprises en difficulté de 1985 à 2025. Une recherche de meilleurs équilibres - 39

Actes de colloque
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LES GARDIENS DES ÉQUILIBRES ET DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE
Présentation : le rôle du tribunal et des organes
de la procédure confirmé et renforcé ?
L'essentiel
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Le rôle des acteurs de la procédure a considérablement évolué, depuis une vingtaine d'années, créant de
nouveaux équilibres que nous présentons ici.
Par
Georges TEBOUL
Avocat au barreau de
Paris, avocat à la Cour,
président d'honneur de
Droit & Commerce
epuis 1985, le rôle et
les pouvoirs de tous
les acteurs du monde des
entreprises en difficulté ont
considérablement évolué et
il paraît utile d'en faire le
bilan. Il convient de rappeD
ler,
qu'à l'époque, le procureur de la République dans les
tribunaux de commerce était une innovation, issue d'une
large dépénalisation du droit des procédures collectives,
plus centrée vers la punition du dirigeant incompétent ou
malhonnête, à une époque où les fautes de gestion étaient
présumées avec un dirigeant qui subissait le poids de la
honte d'un dépôt de bilan, des juges dans les tribunaux
de commerce dont les pouvoirs et la compétence étaient
parfois remis en cause, des professions d'administrateurs
judiciaires et de mandataires judiciaires qui avaient été
scindées à la suite de la disparition de l'ancienne profession
de Syndic, l'État ayant une forte tendance à intervenir
dans les dossiers emblématiques sans réellement subir
de contrainte de la part des institutions européennes.
Nous savons que la situation a sensiblement évolué et,
afin de mieux comprendre les pistes d'évolution vers
l'avenir, il paraît utile de revenir sur l'évolution de ces dernières
années. L'enjeu est en effet de mieux comprendre
comment fonctionne notre droit ainsi que les axes qu'il
convient d'améliorer et de protéger, notamment dans le
cadre d'une réforme européenne qui poursuit désormais
un objectif d'uniformisation.
Le renforcement des pouvoirs du juge. Le droit des procédures
collectives était un droit essentiellement punitif
avec un juge sanctionnateur exerçant un pouvoir inquisiteur.
Le délai de déclaration d'un état de cessation des
paiements était de 15 jours, il était en pratique fort peu
respecté et les plans de remboursement du passif en redressement
judiciaire étaient souvent non menés à leur
terme.
Le taux des liquidations judiciaires était supérieur à 80 %
et la maladie de l'entreprise débouchait le plus souvent
sur sa disparition.
La première évolution a consisté à favoriser la prévention,
d'abord en 1984 en développant une alerte du commissaire
aux comptes, puis en créant une véritable prévention
qui s'est construite au fil des années en donnant un pouvoir
important aux présidents des tribunaux de commerce.
Le rôle du président a donc été accru, en disposant d'un
pouvoir de détection avec les moyens des greffes, pour
convoquer les dirigeants en difficulté en utilisant des
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 28 juin 2022 - n O hor s-sér ie 39
clignotants et en les incitant à prendre conscience de la
situation.
Parallèlement et dès les années 1990, la prévention s'est
développée avec l'institution d'un mandat ad hoc confidentiel,
qui permettait de rechercher des solutions quand
il était temps. Cependant, le juge n'avait pas un grand
pouvoir de coercition, la prévention reposant sur une négociation
non imposée. Puis, des techniques de coercition
se sont développées avec l'apparition de la conciliation, la
possibilité de la demander même en cessation des paiements
depuis moins de 45 jours, en imposant des délais
aux créanciers récalcitrants et en dernier lieu, en permettant
une large suspension des poursuites pendant la
conciliation.
Tout ceci a considérablement renforcé les pouvoirs du
président du tribunal qui peut, à présent, avant même de
recevoir le dirigeant, obtenir des renseignements nombreux
sur la situation de l'entreprise, développant ainsi
son pouvoir d'enquête.
Dans le cadre des procédures de sauvegarde, le tribunal
a vu ses pouvoirs étendus en intervenant avant même la
survenance d'un état de cessation des paiements, ce qui
implique une surveillance, en encadrant avec le procureur
des processus de prépack cession qu'il faut contrôler
pour s'assurer d'une certaine équité, en développant les
mécanismes complexes du redressement judiciaire, en
nommant les contrôleurs, en autorisant les cessions d'actifs,
en contrôlant les créances déclarées, en contrôlant le
caractère sérieux des plans...
Ces pouvoirs n'ont pas cessé de s'accroître, avec en dernier
lieu, la réforme du 15 septembre 2021 qui permet aux
juges des tribunaux de commerce spécialisés d'appliquer
le régime complexe des classes de créanciers, ainsi que
le respect des critères d'appréciation mis en œuvre (Ord.
n° 2021-1193, 15 sept. 2021).
La variété des procédures créées et notamment la procédure
de traitement de sortie de crise (L. n° 2021-689,
8 mai 2021, D. n° 2021-1354, 16 oct. 2021 et D. n° 20211355,
16 oct. 2021) permettent aux juges d'exercer un
contrôle multiforme : par exemple, faut-il considérer que
cette dernière procédure ne peut concerner que les entreprises
victimes de la crise de la Covid-19 ou faut-il une
interprétation plus large ? En pratique, le tri apparaît bien
difficile...
Tous ces débats nécessitent des juges compétents, bien
formés, rompus à toutes sortes de dossiers. À cet égard,
la moralisation de la fonction du juge, encadrée par un
régime d'incompatibilités, le développement de la compétence
des juges consulaires avec l'assistance de l'ENM,
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