Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 28 juin 2022 - Le droit des entreprises en difficulté de 1985 à 2025. Une recherche de meilleurs équilibres - 6

Actes de colloque
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LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ DE 1985 À 2025. UNE RECHERCHE
DE MEILLEURS ÉQUILIBRES
Propos introductifs : l'importance des équilibres mais quels
équilibres ?
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L'essentiel
Presque 40 ans de réformes pour tenter d'atteindre les équilibres entre des intérêts opposés ou prétendus
tels, de toutes les parties prenantes et pour rendre notre droit des entreprises en difficulté plus efficace,
plus attractif, plus compétitif.
Par
Philippe ROUSSEL
GALLE
Professeur à l'université
Paris Cité, membre du
CEDAG
1. Le thème de ce colloque
peut paraître classique et,
d'une certaine manière, il
l'est. La recherche d'équilibres
dans notre domaine
est une constante et ce n'est
pas la première fois, ni sans
doute la dernière, que ce
thème fait l'objet de débats. Ce d'autant que le législateur
s'est pris d'une passion pour le droit des entreprises en
difficulté qu'il réforme à tout va, ce qui nous permet de
renouveler sans cesse des thèmes a priori classiques. Et la
frénésie s'accentue d'année en année : nous sommes passés
d'une réforme tous les dix ans dans les années 80, à
une réforme tous les deux ou trois ans, depuis 2005. Avec
un feu d'artifice au cours des douze derniers mois, puisque
non content de transposer la directive européenne, ce qui
constitue assurément une réforme d'ampleur, le législateur
a créé une nouvelle procédure de traitement de
sortie de crise - provisoire -, et a dû adapter le livre VI du
Code de commerce au nouveau statut de l'entrepreneur
individuel. Certes, certaines réformes sont d'importance,
encore que leur portée soit souvent difficile à mesurer, et
d'autres constituent de simples ajustements ou adaptations.
Mais, même si le législateur prend soin de conserver
l'architecture du livre VI du Code de commerce, une légère
modification peut avoir une portée majeure et modifier les
équilibres.
2. Le législateur réformant le droit des entreprises en difficulté
en permanence, on pourrait imaginer qu'il en modifie
les objectifs mais tel n'est pas le cas, au moins pour ce
qui concerne ses grandes orientations. Pour rappel, l'article
1er
de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 assignait au
redressement judiciaire la « sauvegarde de l'entreprise,
le maintien de l'activité et de l'emploi, et l'apurement du
passif ». Or, ces objectifs, qui en définitive étaient très
précurseurs si on fait un peu de droit comparé, n'ont pas
varié depuis plus de 35 ans. La loi n° 2005-845 du 26 juillet
2005 les a d'ailleurs repris, la sauvegarde a pour objet
de « faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre
la poursuite de l'activité économique, le maintien
de l'emploi et l'apurement du passif » (C. com., art. L. 6201),
le redressement judiciaire a pour but de « permettre
la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de
l'emploi et l'apurement du passif » (C. com., art. L. 631-1)
tandis que la liquidation judiciaire a pour objet de « mettre
fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
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GAZETTE DU PALAIS - mardi 28 juin 2022 - n O
hor s-sér ie
débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits
et de ses biens » (C. com., art. L. 640-1). Certes, il faudrait
ajouter les procédures amiables, et les alternatives sauvegardes
accélérées, liquidation simplifiée, rétablissement
professionnel, mais les objectifs assignés par les textes
restent les mêmes.
3. Ainsi, poursuite de l'activité, maintien de l'emploi et
apurement du passif restent, par-delà les réformes incessantes,
les trois piliers expressément affirmés par
notre droit depuis plus de 35 ans. On s'en félicitera à la
fois parce que ces objectifs sont aujourd'hui reconnus par
tous, alors qu'ils étaient sans doute un peu en avance sur
leur temps en 1985, mais aussi parce que cette permanence
est bienvenue. En réalité, il ne s'agit pas de tout
révolutionner mais de mieux faire, de mieux répondre aux
attentes économiques, sociales ou politiques qui varient
selon les époques et selon les législateurs.
4. Si les objectifs du droit des entreprises en difficulté
ne varient pas, au moins dans les textes, son champ
d'application s'est considérablement étendu. Après les
commerçants, les artisans et bien sûr les agriculteurs, les
professions libérales y ont, elles aussi, fait leur entrée,
mais la notion d'entreprise, ou d'entrepreneur c'est selon,
évolue également. Dans le livre VI du Code de commerce,
les professions civiles ont été qualifiées d'entreprises
sans que cela ait suscité de véritables débats. Les autoentrepreneurs
aussi alors que certains ont une activité très
faible. L'entreprise devient plus citoyenne, plus développement
durable, etc. : notre droit des entreprises en
difficulté évolue car c'est un droit vivant, c'est un droit
pragmatique en lien avec le réel. Et en évoluant, il perturbe
les équilibres, les remet en cause constamment.
5. D'un point de vue économique, il s'agit d'abord de sauver
les entreprises et c'est une constante depuis 1985,
car derrière l'entreprise, il y a une activité économique,
des salariés, un bassin d'emploi, parfois même l'aménagement
du territoire. La liquidation d'une entreprise
peut sinistrer une ville par exemple. Sauver l'entreprise
c'est aussi maintenir un savoir-faire ou encore, dans
les périodes de crise qui sont de plus en plus courantes,
conserver un outil de travail afin qu'elle puisse redémarrer
quand les jours seront meilleurs. Bref, l'impact de ces
enjeux économiques varie selon la situation économique
plus générale, mais ils sont essentiels. Ils ne doivent toutefois
pas perturber le droit de la concurrence, ce que l'on
tend parfois à oublier.

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