Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 28 juin 2022 - Le droit des entreprises en difficulté de 1985 à 2025. Une recherche de meilleurs équilibres - 8

Actes de colloque
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LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ DE 1985 À 2025. UNE RECHERCHE
DE MEILLEURS ÉQUILIBRES
Intervention d'un grand témoin
L'essentiel
Par
Benoît DESTERACT
Ancien présidentdirecteur
général de
banque, président de
l'ARE
e suis devant vous pour
vous parler du droit des
entreprises en difficulté depuis
1985.
Il y a erreur sur la personne.
En effet, je suis devenu directeur
général de Thémis
en 2013 et n'avais auparavant
aucune expérience
dans les entreprises en difficulté.
J'étais un banquier
entreprise et, à ce titre, dès
qu'une entreprise était en
difficulté elle passait soit
aux affaires spéciales soit au
contentieux et je n'en entendais
plus parler.
J
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Regard d'un acteur engagé qui cherche des solutions pragmatiques pour tenter d'aider les différents acteurs
à sauver les entreprises qui peuvent l'être.
Grand moment de solitude... Heureusement à l'époque,
nous étions une filiale de LCL et j'avais droit à l'appel à un
ami. En effet, pour les dossiers d'une taille significative, je
devais avoir le blanc-seing du patron des affaires spéciales
de LCL. Je lui expose les faits et celui-ci me demande qui
est l'AJ sur le dossier. Sa réponse a été limpide : « C'est
Me
Bourbouloux, tu peux lui faire confiance, vas-y. »
Ce mot confiance résume à lui seul l'univers des entreprises
en difficulté.
Aussi curieux que cela paraisse, dans les réseaux bancaires
on nous faisait encore peur dans ces années-là avec
le soutien abusif.
2008 a marqué une petite évolution avec la création de
la médiation du crédit, car quand une entreprise rentrait
dans ce process, elle restait encore dans le réseau
traditionnel.
Je vais essayer de vous faire part de ma vision sur ces
dernières années.
2013/2014 furent deux années où je découvrais les procédures
collectives. En effet, en prenant mon poste on m'a
très vite dit que la stratégie que nous avions devait être
revue et, alors que nous ne travaillions que sur les entreprises
en sauvegarde, redressement judiciaire (RJ) ou
plan de continuation, il y avait un domaine sur lequel nous
n'étions pas présents, celui des procédures amiables,
mais j'y reviendrai.
Rapidement après ma prise de poste un dossier m'a
marqué.
J'ai été appelé par une administratrice judiciaire (AJ), en
l'occurrence Hélène Bourbouloux. Sa demande était la
suivante : « J'ai besoin que vous prêtiez 5 millions d'euros
à la société Fagor Brandt. Cette société est en RJ, l'activité
est à l'arrêt, j'ai obtenu un prêt du Fonds pour le développement
économique et social à condition d'avoir une
banque en plus. En garantie, je peux vous offrir un gage
sur stock sur des pièces détachées, je n'ai pas de prévision
de trésorerie et je vous demande de me faire confiance.
J'ai besoin d'une réponse sous 24 heures et si je ne peux
redémarrer la production nous partons en liquidation. »
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
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En juin 2014, je réunis un conseil d'administration pour
parler de stratégie et m'aperçois que peu de membres de
ce conseil connaissent le métier de banquier judiciaire.
J'expose mon intention de créer un pôle amiable en expliquant
que grâce au privilège de new money on doit pouvoir
travailler ce segment de marché. J'évoque le mot fiducie
et la directrice juridique de LCL de l'époque m'explique
que fiducie ne sera pas utilisée chez LCL mais que je peux
tester, être une forme de laboratoire.
Nous nous lançons donc dans le financement de quelques
dossiers amiables et commençons notre courbe d'expérience.
Nous apprendrons vite les limites du privilège de
new money et la nécessité d'utiliser la reine des sûretés
qu'est la fiducie en complément.
En 2015, la réforme des tribunaux de commerce crée des
tribunaux de commerce spécialisés. Cette réforme touche
une cinquantaine de dossiers par an et pourtant il me
semble qu'elle a eu un impact capital sur les professions
d'administrateurs et de mandataires judiciaires. Elle les
a poussés à se concentrer et a provoqué des rapprochements
de cabinets. Il y a et il y aura toujours dans cette
profession des artisans (au sens noble du terme), mais
nous avons désormais plusieurs cabinets de taille importante
qui travaille sur une multitude de juridictions.
Après avoir essuyé les plâtres sur l'amiable, nous avons
compris la nécessité de travailler en équipe sur ces dossiers.
Ils peuvent nous être apportés soit par les managers
de transition, soit par les cabinets du chiffre, soit par les
avocats, soit par les mandataires ad hoc ou conciliateurs.
En tant que banquier ce que nous devons vérifier c'est que
ces différents acteurs sont d'accord sur le diagnostic et
en phase sur la manière de sauver l'entreprise. Une fois
encore la confiance est capitale.
Dans l'étude du dossier, nous devons toujours intégrer
le fait que, si tout le monde pense que l'on peut sauver
l'entreprise mais que l'issue n'est jamais certaine, il faut
garantir nos financements par des actifs qui résistent à la
liquidation, ce qui implique soit fiducie ou, dans certains
cas, gage sur stock avec dépossession.
Cette période amiable peut être une phase de préparation
à une sauvegarde ou un RJ avec derrière un
GAZETTE DU PALAIS - mardi 28 juin 2022 - n O
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