Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 27 juin 2023 - Les nouveaux défis lancés à la gouvernances des sociétés - 10

Actes de colloque
d'atteindre les objectifs de fiabilité des comptes, d'évitement
des conflits d'intérêts en redonnant confiance aux
investisseurs et en favorisant la création de valeur pour
l'actionnaire (école dite de la relution) » (19)
.
Ces principes, forgés essentiellement à partir des sociétés
anonymes (SA) et, plus particulièrement, des sociétés
cotées (20)
truments de droit souple (21)
, trouvent initialement leur place dans des inscomme
le Code Afep-Medef,
dès 2003, suivi en 2009 par le Code Middlenext (22)
.
Le premier défi lancé à la gouvernance des sociétés cotées
il y a une vingtaine d'années a donc été de s'engager
à respecter ces normes de droit souple. Évolutives, ces
règles se sont progressivement développées et renforcées
pour mettre à la charge des dirigeants des obligations de
plus en plus importantes, au bénéfice des actionnaires.
Mais la notion a encore évolué. Initialement tournés vers
l'intérieur de la société, son « for intérieur » comme le
qualifiait Bruno Dondero lors d'un précédent colloque
Droit & Commerce (23)
, les principes de bonne gouvernance
se sont progressivement étendus dans l'ordre externe. En
quelques années, nous sommes passés du say on pay au
say on climate.
C'est cette évolution qui apparaît en filigrane dans la
double définition de la gouvernance proposée par le
Larousse :
« 1. Action de gouverner ; manière de le faire.
2. De l'anglais governance, art de gouverner indépendant
de l'autorité étatique. (Soucieuse de souplesse, de transdisciplinarité
et du respect des enjeux environnementaux,
elle repose sur la participation de différents acteurs de la
société civile.) ».
C. Le terme de « gouvernance » dans le cadre
du colloque
Comment appréhender alors la gouvernance dans le cadre
de ce colloque ? Les évolutions récentes conduisent à
prendre en compte trois mouvements : un élargissement,
une limitation et un changement de paradigme.
Un élargissement, d'abord, du champ des entités concernées.
Alors que le gouvernement d'entreprise renvoyait
initialement aux SA, et souvent d'ailleurs aux SA cotées,
les règles relatives à sa composition, à son fonctionnement
et aux finalités poursuivies se sont étendues à des
sociétés de plus en plus nombreuses. De la loi CopéZimmerman
(24)
à la loi Rixain (25)
, les obligations de mixité
se sont élargies indépendamment de la forme sociale, en
abaissant progressivement les seuils relatifs à la taille
des sociétés concernées. Dans un mouvement similaire,
la loi et la future directive vigilance ne s'intéressent pas à
la forme des sociétés concernées mais seulement à leur
taille, la proposition de directive retenant par ailleurs des
seuils bien plus bas que la loi française. C'est aussi le
choix de la directive CSRD, qui ne prend en compte que la
taille et non la forme. Ce choix a une conséquence directe
en droit français : les SAS, qui n'étaient pas concernées
par la déclaration de performance extra-financière, seront
comprises dans le champ de l'obligation de publication
d'informations en matière de durabilité (26)
. Cette évolution
d'une logique de forme à une logique de taille ne concerne
d'ailleurs pas que les questions liées à la gouvernance. On
la retrouve, depuis la loi PACTE, en matière de désignation
des commissaires aux comptes (27)
. Plus encore, parfois ni
la forme ni la taille ne limitent les nouveaux défis lancés
à la gouvernance : toutes les sociétés sont concernées
par la poursuite de l'intérêt social, la prise en considération
des enjeux sociaux et environnementaux ou la raison
d'être. Cette transition s'est conduite en parallèle de celle
du droit souple au droit dur. Alors que le premier régnait
en maître sur les questions de gouvernance, il a été de
plus en plus souvent rattrapé par le législateur national
ou européen, qui s'en inspire ou le renforce. Aujourd'hui,
la « bonne gouvernance » est donc marquée par une
coexistence des sources : codes de gouvernance, loi,
engagements volontaires, statuts (dotés de raison d'être
voire de mission, etc.). Bien sûr, les SA, les sociétés cotées,
les multinationales sont les plus concernées et cette
réalité se reflète dans le programme de ce colloque. Mais
elles ne sont plus les seules.
Une limitation, ensuite, des personnes visées. Qui compose
« la gouvernance » ? Les dirigeants de droit, voire,
plus largement, les instances dirigeantes selon la terminologie
introduite par la loi Rixain (28)
. Les débats sont très
vifs, actuellement, sur les rôles respectifs des dirigeants
et des actionnaires, en particulier à travers la question du
say on climate. Les demandes d'inscription de résolutions
climatiques sont-elles une ingérence des actionnaires
dans la direction et l'administration de la société ? Ou un
(19) D. Cohen, « Le " gouvernement d'entreprise " , une nécessité en droit français
? », in Mélanges Philippe Malaurie, 2005, Defrénois, p. 159, n° 4, EAN :
9782856230558.
(20) V. par ex. rapp. Vienot, AFEP-CNFP, « Le conseil d'administration des sociétés
cotées », juill. 1995, M. Vienot (dir.).
(21) A. Couret, « Les commandements de la gouvernance », in I. Urbain-Parléani
et P.-H. Conac (dir.), Regards sur l'évolution du droit des sociétés depuis la loi du
24 juillet 1966, 2018, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 149.
(22) On peut y ajouter le Code ADAE (P. Le Cannu, « Le Code ADAE relatif
à la gouvernance des entreprises moyennes françaises », BJS févr. 2016,
n° BJS114s6), la Charte de l'Administrateur de l'IFA, les recommandations
AFG ou encore les recommandations de l'AMF.
(23) B. Dondero, « Le concept de gouvernance », GPL 28 août 2014,
n° GPL186e4 (« Ce n'est cependant pas la manière de gouverner l'entreprise
dans ses rapports avec ses partenaires, qui intéresse le gouvernement d'entreprise,
mais la manière dont l'entreprise est administrée en son for intérieur, si
l'on peut dire »).
(24) L. n° 2011-103, 27 janv. 2011, relative à la représentation équilibrée des
femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance
et à l'égalité professionnelle. Le principe a été repris par le droit européen, v. PE
et Cons. UE, dir. n° 2022/2381, 23 nov. 2022, relative à un meilleur équilibre
entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés
cotées et à des mesures connexes (B. Lecourt, « La directive européenne du
23 novembre 2022 et l'accès des femmes aux postes d'administrateurs et de
dirigeants exécutifs », Rev. sociétés 2023, p. 120).
(25) L. n° 2021-1774, 24 déc. 2021, visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle,
dite loi Rixain.
(26) E. Rapone, J. Dessard Jacques et G. Koudadge, « Directive CSRD : quels
enjeux de gouvernance et sociaux anticiper ? », JCP E 2023, 1057.
(27) M. de Szilbereky, « Le contrôle légal des comptes après l'entrée en vigueur de
la loi Pacte », Rev. sociétés 2019, p. 598 ; J.-F. Barbièri, « La réforme du commissariat
aux comptes par la loi PACTE : rabotage du contrôle légal et lots de
consolation », BJS juin 2019, n° BJS119w5.
(28) J. Duval-Hamel et M. Germain, « Gouvernement des entreprises : qui
dirige ? », in Mélanges en l'honneur de Daniel Tricot, 2011, Litec-Dalloz, p. 657,
les auteurs évoquent, outre les mandataires sociaux, les cadres dirigeants, ce qui
correspond pour l'essentiel aux instances dirigeantes visées dans la loi Rixain.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 27 juin 2023 - n O
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