Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 27 juin 2023 - Les nouveaux défis lancés à la gouvernances des sociétés - 64

Actes de colloque
lorsque le tribunal a le choix entre plusieurs repreneurs, il
est possible de penser qu'il choisira naturellement l'offre
de reprise qui se fonde sur le modèle le plus durable.
Est-il possible d'aller plus loin, et d'inciter à intégrer plus
directement les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux
dans les projets de plan de restructuration,
offres de reprise ou dans l'accord amiable ?
Dans ces trois hypothèses, en dehors de cas de restructuration
purement financière, il s'agit de repenser l'activité
sur plusieurs années. À cette occasion, cela peut avoir du
sens d'intégrer les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux
dans une telle projection. Enjeux RSE et objectifs
du plan peuvent se rejoindre si à terme une meilleure
rentabilité peut être obtenue, ou si l'entreprise gagne en
réputation, ou encore si elle anticipe des réglementations
plus contraignantes qui pourraient la concerner et l'affaiblir.
On intègre alors la durabilité dans le plan.
Deux écueils, au moins, sont à écarter, pour le législateur
qui souhaiterait faire évoluer la réglementation. Le premier
est qu'il intervienne sous l'angle de la contrainte. Il
ne peut être question de faire des enjeux RSE une condition
de validation du plan, de l'offre ou de l'accord. Comme
cela a été évoqué, le contexte de crise fait que l'objectif
premier reste celui du sauvetage de l'entreprise. Le second
écueil tient à n'envisager la RSE en cette matière que
pour les ICPE (installations classées protection de l'environnement).
Aujourd'hui, seules ces installations classées
doivent faire l'objet d'un bilan environnemental à l'ouverture
de la procédure collective (25)
. Mais, dans le contexte
renouvelé des impératifs de transition écologique, la
question est générale quelle que soit l'activité. Il pourrait
être envisagé d'intégrer au bilan économique et social des
entreprises, au moins pour celles de taille importante, un
bilan environnemental. Cela permettrait d'apprécier si
une partie des difficultés trouve sa source par exemple
dans le coût énergétique de son activité, et si cela pourrait
être un levier de réduction des coûts à l'avenir.
Reste à savoir comment financer de telles ambitions ? Il
faut tout de suite observer que les établissements financiers
sont de plus en plus attachés à l'impact de l'activité
qu'ils financent, que ce soit sur le plan sociétal ou environnemental.
Condition de plus en plus prégnante dans
l'accès au crédit, la RSE ne pourrait-elle pas devenir un
nouveau levier pour le financement des entreprises en
difficulté ? Il est possible de l'imaginer au moins à deux
égards. Tout d'abord, un financeur peut y trouver son
compte au titre de sa propre RSE, en communiquant
ou en intégrant dans ses outils de reporting le financement
de la transition d'une entreprise en difficulté par
exemple. Une société mère peut également valoriser le
soutien de sa filiale si cela s'accompagne de la poursuite
d'un objectif sociétal ou environnemental de la filiale.
Ensuite, les pouvoirs publics pourraient créer des leviers
incitatifs : beaucoup de crédits existent dès lors qu'une
entreprise entame une phase de transition (par Bpifrance
notamment). Souvent ces crédits sont conditionnés à du
cofinancement et à des taux de capitaux propres. Le législateur
pourrait assouplir ces conditions lorsque la société
est en difficulté. S'agissant du cofinancement, l'associé
(qui plus est la société mère) qui investirait par exemple
dans le plan pourrait y trouver un intérêt particulier en
termes de RSE, et la société en difficulté gagnerait un
accès au crédit, particulièrement difficile en procédure
collective. Un PGE green pourrait être imaginé...
Est-ce illusoire ? Peut-être. Mais les premiers mouvements
en faveur d'une RSE étaient aussi décriés comme
utopistes et illusoires en droit des sociétés. Les évolutions
les plus contemporaines montrent que ce mouvement est
bien en marche, et l'urgence climatique comme le renouvellement
des objectifs sociétaux ne font que renforcer les
attentes à l'égard des sociétés. Il paraît difficile de penser
que ce mouvement restera encore longtemps en marge du
droit des entreprises en difficulté. Voici un nouveau défi,
qui est lancé cette fois au législateur, aux praticiens et aux
chercheurs.
450u8
(25) V. C. com., art. L. 623-1.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 27 juin 2023 - n O hor s-sér ie 63
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