Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 27 juin 2023 - Les nouveaux défis lancés à la gouvernances des sociétés - 69

Actes de colloque
anonymes, le salarié est devenu au fil des années un
rouage majeur du contrôle interne de la gouvernance.
C'est la raison pour laquelle la loi PACTE a veillé au renforcement
de la formation des administrateurs salariés afin
de leur permettre de remplir leur mission.
Plusieurs raisons président à cette évolution :
- en premier lieu, en raison d'une volonté législative de
renforcer au fil des années, et notamment avec la loi
PACTE du 22 mai 2019, la présence des salariés et des actionnaires
salariés au sein des conseils d'administration et
de surveillance, posant une obligation de plusieurs représentants
des salariés actionnaires lorsque ces derniers
détiennent au moins 3 % du capital social. L'administrateur
salarié est élu par son syndicat tandis que l'administrateur
actionnaire salarié est élu par l'assemblée générale ;
- étant au cœur de l'entreprise, le salarié échappe au
tropisme d'intermittence des instances de représentativité
et de l'assemblée générale. Ce faisant, le salarié
devient une vigie de la qualité de l'information partagée
avec l'ensemble des administrateurs et les actionnaires
et constitue un garde-fou à l'asymétrie d'information
évoquée ;
- aspirant à un partage de la valeur plus équitable, il exerce
un contrôle de fait sur la question de la rémunération des
dirigeants, aidé à cet égard par le ratio d'équité qui doit
être compris pour ce qu'il est, un indicateur d'acceptabilité
du partage de la valeur. Ainsi, une étude récente (33)
, parue
en 2019, met en évidence la relation entre l'actionnariat
salarié, leur présence au conseil et le niveau de rémunération
des dirigeants des sociétés cotées françaises ;
- le salarié exerce un contrôle interne de nature réputationnelle
croissant. Dans un contexte de pénurie des
compétences et des talents, la marque employeur, qui intéresse
tant les salariés actuels que ceux à venir, constitue
un régulateur puissant et, ce faisant, un actif immatériel
facteur de compétitivité ;
- il peut défier enfin les dirigeants, opposant une puissance
de contrôle, comme l'illustre le dossier EDF. Ainsi, à
l'été 2022, une association d'actionnaires salariés et d'anciens
salariés - Énergie en actions - après avoir dénoncé
le prix d'une offre publique d'achat (OPA), a-t-elle décidé
de mettre en cause la gestion du groupe EDF en déposant
une plainte contre X alors que l'énergéticien est en voie
d'être retiré de la cote (34)
.
Notre exposé serait incomplet s'il n'évoquait le dispositif
du lanceur d'alerte, mécanisme majeur de contrôle
interne. Introduite dans notre droit par la loi Sapin I (35)
en 2016 et faisant la part belle au salarié, la directive
européenne de 2019 (36)
, à la suite de la loi Sapin II de
2019, a ouvert le cadre protecteur aux actionnaires et les
membres de l'organe d'administration, de direction ou de
(33) I. Mohat et D. Alidou, « L'actionnariat salarié influence-t-il le niveau de rémunération
des dirigeants de sociétés cotées françaises ? Étude empirique sur
l'indice boursier SBF 120 (2009-2005) », Finance Contrôle Stratégie 2019,
22-2/3.
(34) V. not. L. Boisseau, « EDF : certains actionnaires minoritaires s'estiment spoliés
», Les Échos 6 oct. 2022.
(35) L. n° 93-122, 29 janv. 1993, relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques.
(36) PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1937, 23 oct. 2019, sur la protection des personnes
qui signalent des violations du droit de l'Union.
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GAZETTE DU PALAIS - mardi 27 juin 2023 - n O
hor s-sér ie
(37) L. n° 2017-399, 27 mars 2017, relative au devoir de vigilance des sociétés
mères et des entreprises donneuses d'ordre.
(38) CE, 2e-7e ch. réunies, 20 sept. 2022, n° 451129.
(39) Code Afep-Medef, art. 14.
(40) AMF, Rapport 2022 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des
dirigeants des sociétés cotées, 1er
déc. 2022, p. 4.
surveillance de l'entreprise, y compris des membres non
exécutifs.
La concurrence des mécanismes de contrôle est donc
institutionnalisée, ce qui nous invite à nous tourner vers
les conseils d'administration et de surveillance dans cette
conception élargie de la société commerciale.
B. Le contrôle interne exercé par les conseils
d'administration et de surveillance
Alors que les domaines réservés deviennent poreux, ces
instances se voient contraintes de s'inscrire dans une nouvelle
dynamique.
Ainsi, l'article L. 225-35 du Code de commerce dispose
que « le conseil d'administration détermine les orientations
de l'activité de la société et veille à leur mise en
œuvre, conformément à son intérêt social, en considérant
les enjeux sociaux, environnementaux, culturels et sportifs
de son activité. Il prend également en considération,
s'il y a lieu, la raison d'être de la société en application de
l'article 1835 du Code civil ».
Le devoir de vigilance, introduit par la loi 27 mars 2017 (37)
invite inexorablement les conseils d'administration à s'as,
surer
que les mesures de vigilance raisonnable sont mises
en place, faisant écho à une décision du Conseil d'État
du 20 septembre 2022 (38)
identifiant une nouvelle liberté
fondamentale, qui consiste dans « le droit de chacun de
vivre dans un environnement équilibré et respectueux de
la santé ».
Non seulement le conseil d'administration, dans sa mission
majeure de détermination de la stratégie, se doit de
prendre désormais en compte ces nouvelles attentes,
mais il doit aussi rendre compte. D'instance de contrôle,
elles deviennent à leur tour objet de contrôle et de surveillance.
Passant ainsi brutalement de l'ombre à la lumière,
ces instances de contrôle sont observées, scrutées, surveillées,
exposées, voire défiées. Quand elles ne sont pas
prises à partie par les actionnaires, comme ce fut le cas
dans le dossier Danone, par des fonds activistes.
Ainsi, les compétences des administrateurs et la complémentarité
de leurs contributions sont auscultées. De
nouvelles compétences en matière digitale, climatique, de
gouvernance sont désormais requises.
Une révision récente du Code Afep-Medef vient ainsi de
placer la stratégie RSE (responsabilité sociétale des entreprises)
au cœur des missions du conseil, particulièrement
en matière climatique, - et de rappeler la nécessaire formation
des administrateurs en matière de RSE (39)
.
L'AMF, quant à elle, recommande aux émetteurs de mettre
en place, sur des sujets pertinents pour la société, en particulier
en matière de RSE, des formations dédiées (40)
.
Les compétences normatives doivent être portées par des
compétences cognitives tout aussi cardinales, des compétences
notamment de courage, de loyauté, d'assiduité,

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