Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 27 juin 2023 - Les nouveaux défis lancés à la gouvernances des sociétés - 72

Actes de colloque
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L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA GOUVERNANCE
La gouvernance des sociétés : le contrôle externe
L'essentiel
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Les mécanismes de contrôle externe de la gouvernance des sociétés, en particulier des sociétés cotées, ont
connu un développement considérable au cours des trois dernières décennies, sous l'influence, d'une part, de
la financiarisation de l'économie, qui donne aux marchés financiers un rôle « disciplinaire » majeur en matière
de gouvernance, et, d'autre part, de la montée en puissance de la responsabilité sociétale des entreprises, qui
donne une place toujours plus importante aux parties prenantes dans la gouvernance des sociétés. Si l'essor
des mécanismes de contrôle externe a contribué à transformer et à renforcer la gouvernance des sociétés
françaises, le décentrement qui en résulte pose plusieurs questions fondamentales, à commencer par celle
de la « gouvernabilité » de sociétés plus que jamais confrontées à des intérêts et contrôles multiples, au
risque d'injonctions incohérentes.
Par
Olivier BOULON
Adjoint au directeur des
affaires juridiques de
l'Autorité des marchés
financiers
l y a 10 ans, la cour d'appel
de Paris a rendu un
arrêt exprimant, dans une
formule remarquable, la
transformation profonde des
sociétés cotées, soumises
à des impératifs croissants
de transparence et tenues
I
de rendre des comptes, au-delà de leurs actionnaires,
à des parties prenantes toujours plus diversifiées : « Les
obligations d'information à la charge des sociétés ont
profondément évolué pour faire en sorte que la société
" boîte noire " devienne une " boîte de verre " , soumise aux
contraintes des marchés qui postulent plus d'informations,
à la fois en quantité et en nature, et dans un délai raccourci.
Cela se traduit par une obligation de l'entreprise de rendre
des comptes à la collectivité dans laquelle elle s'insère
comme aux actionnaires qui la portent, via une obligation
d'information financière et extra-financière renforcée, de
tout ce qui la concerne non seulement au plan purement
patrimonial ou financier mais plus largement de tout ce qui
impacte ces données » (1)
.
Si tant est que ce fût jamais le cas, la société commerciale
n'est plus la « chose des actionnaires » (2)
. « Boîte de verre »
soumise à des obligations extensives en matière sociale
et environnementale, la société commerciale est plus que
jamais tenue de « rendre des comptes à la collectivité dans
laquelle elle s'insère ». Corrélativement, la gouvernance est
soumise à un contrôle externe plus diversifié, dont l'ampleur
n'a cessé de croître au cours des dernières années.
Polysémique, ambiguë, la notion de « contrôle » renvoie,
en droit des sociétés, à deux acceptions distinctes (3)
d'un siècle (5)
: le
contrôle-vérification (ou contrôle-surveillance), d'une
part, et le contrôle-pouvoir (ou contrôle-domination), de
l'autre (4)
. La doctrine opère cette distinction depuis plus
.
Dans la première acception - celle qui nous intéresse
ici - le contrôle s'entend de la « vérification de la conformité
à une norme d'une décision, d'une situation, d'un
comportement » (6)
. Il évoque, plus largement, « l'idée
de surveillance exercée à l'égard des détenteurs du
pouvoir » (7)
. La notion renvoie ici à la souche étymolo-
était un autre registre, un
gique française : le contrôle - contraction progressive de
« contre » et de « rôle » (8)
(3) Ainsi qu'il a été observé, « il y a deux conceptions extrêmes du contrôle, et qui
sont fort éloignées l'une de l'autre : la plus limitative ramène le contrôle à la
vérification formelle. La plus extensive se rattache à la signification du verbe
anglais : control - avoir le pouvoir de diriger - sans dans lequel nous employons
pleinement le mot d'ailleurs lorsque nous disons que telle société est contrôlée
par telle autre, qui possède dans les assemblées d'actionnaires la majorité nécessaire
» (R. Masson, « Le contrôle des sociétés anonymes », in Les études pratiques
de droit commercial, 1937, LGDJ, p. 534, n° 4)
(4) Claude Champaud considère ainsi que « dans un sens général, le pouvoir de
contrôle est un pouvoir de surveillance et de réforme d'actes de gestion patrimoniale.
Dans un sens particulier aux sociétés anonymes, bien qu'il ait tendance
à s'étendre à d'autres institutions, le contrôle est le pouvoir de diriger l'activité
sociale » (C. Champaud, Le pouvoir de concentration de la société par actions,
t. 5, 1962, Sirey, Bibliothèque de droit commercial, préf. Y. Loussouarn, p. 105,
n° 104). V. également J. Paillusseau, La société anonyme, Technique d'organisation
de l'entreprise, t. 18, 1967, Sirey, Bibliothèque de droit commercial, préf.
Y. Loussouarn, p. 247, qui relève que « le terme de " contrôle " est ambigu et
reçoit deux acceptions principales. Dans un premier sens, il exprime l'idée d'un
pouvoir de surveillance et celle du droit d'exiger des explications. C'est ainsi
que l'on parle du contrôle des actionnaires ou de celui des commissaires aux
comptes. Dans un second sens, il exprime la possibilité de diriger les affaires
sociales en maître absolu sans avoir à rendre compte à personne ».
NDA : La forme orale de l'intervention a été conservée. La présente contribution
reflète les vues personnelles de l'auteur et n'engage pas l'institution à laquelle il appartient.
(1)
CA Paris, 5-9, 19 déc. 2013, n° 12/22644, Renaud Abord de Châtillon c/
SA Wendel : Rev. sociétés 2014, p. 306, note A. Viandier ; Dr. sociétés 2014,
comm. 117, M. Roussille.
(2) V. not. G. Jèze, « Les actions à droit de vote plural », Journal des Finances,
29 nov. 1929, n° 48, p. 1, selon lequel « en droit, une société industrielle ou
commerciale est la chose des actionnaires ».
(5) V. les travaux précurseurs de R. Michel, Le contrôle économique des sociétés et ses
rapports avec leur nationalité, thèse, 1923, Université de Paris, p. 6. Le terme
n'en demeure pas moins une source de confusion fréquente. Il désigne, en effet,
« deux sortes de manifestations de l'autorité assez différentes pour être distinguées
mais assez proches pour être confondues » (C. Champaud, Le pouvoir de
concentration de la société par actions, t. 5, 1962, Sirey, p. 105, n° 165).
(6) G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 9e
éd., 2011, PUF, Quadrige, p. 263.
(7) Y. Chartier, La gestion et le contrôle des sociétés anonymes dans la jurisprudence,
1978, Librairies Techniques, p. 288.
(8) Sur « les deux sens du concept de contrôle », v. not. A. Barilari, « Quelques
réflexions sur le contrôle des fonds publics », La Revue du Trésor févr. 2003,
n° 2, p. 85.
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