Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 27 juin 2023 - Les nouveaux défis lancés à la gouvernances des sociétés - 8

Actes de colloque
en référé, a néanmoins jugé leur recours irrecevable, renvoyant
l'affaire au juge du fond (4)
.
Sous un angle plus positif, on ne compte plus les déclarations
et engagements de sociétés qui tentent de s'afficher
plus responsables, plus vertueuses, plus « compliantes ».
Après la loi PACTE (5)
européenne, en cours d'adoption sur le même sujet (10)
;
la loi Rixain, du 24 décembre 2021, sur la mixité dans
les instances dirigeantes (11)
du 22 mai 2019, les « raisons d'être »
et les « missions » ont fleuri dans les statuts et dans les
communiqués. Parfois, peut-être, de manière un peu
opportuniste. D'autres fois, avec des résultats plus tangibles.
La société La Redoute en a récemment fourni
l'illustration sur le terrain social, avec l'annonce du rachat
par les Galeries Lafayette de la participation des salariés
qui avaient investi dans la société quelques années plus
tôt à hauteur de 100 millions d'euros, soit 100 000 € en
moyenne par salarié actionnaire (6)
. De l'autre côté de
l'Atlantique, le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard,
a annoncé en septembre dernier la transmission de sa
participation dans la société - évaluée à trois milliards de
dollars - à un trust chargé d'œuvrer pour la cause environnementale.
Et M. Chouinard d'affirmer : « La Terre est
maintenant notre seul actionnaire » (7)
. À l'inverse, le choix
de la stratégie peut se faire plus polémique au sein de la
société et avoir des répercussions sur la gouvernance.
Tout le monde se souvient de l'éviction, en mars 2021, de
l'emblématique président-directeur général de Danone,
Emmanuel Faber.
Quant au législateur, national ou européen, on ne compte
plus ses interventions sur ces sujets. Depuis quelques années,
le mouvement s'est même sensiblement accéléré
avec, notamment, la loi PACTE, avec l'intérêt social, les
enjeux sociaux et environnementaux, la raison d'être, les
sociétés à mission ou encore les fonds de pérennité (8)
; la
loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et
des entreprises donneuses d'ordre du 27 mars 2017 (9)
a inspiré plusieurs lois étrangères et même une directive
, qui
; le règlement Taxonomie,
du 18 juin 2020 ou encore, il y a seulement trois mois,
la directive CSRD du 16 décembre 2022 sur le reporting
de durabilité des sociétés (12)
. La liste n'en finit plus de
s'allonger.
Nul besoin de poursuivre cette litanie d'exemples pour se
convaincre de l'émergence de nouvelles responsabilités
à la charge de la gouvernance des sociétés, chargée de
mettre en œuvre ces normes et principes nouveaux. Le
risque réputationnel, le fameux name and shame, se double
désormais d'un risque judiciaire. Mais ces évolutions
peuvent aussi constituer de nouvelles opportunités, dont
la gouvernance peut et doit se saisir. En toute hypothèse,
la manière de diriger une société est, progressivement, en
train de subir une véritable métamorphose.
L'objet de ce colloque est donc d'étudier ces évolutions
majeures du droit des sociétés sous l'angle particulier de
leurs enjeux en matière de gouvernance. Un jour et demi,
une vingtaine d'intervenants, il n'en faudra pas moins pour
en évoquer les principaux aspects, en tirer les constats, et
dégager des pistes pour permettre à la gouvernance des
sociétés de mieux se préparer aux nouveaux défis qui lui
sont lancés.
Cela entraînera, nécessairement, une adaptation du droit
des sociétés. Ce ne sera pas la première fois. En effet,
le droit français des sociétés a déjà connu des évolutions
majeures depuis le siècle dernier.
La deuxième moitié du XXe
siècle a vu se remodeler le
(4) TJ Paris, 28 févr. 2023, n° 22/53942 - TJ Paris, 28 févr. 2023, n° 22/53943 :
Dalloz actualité, 7 mars 2023, obs. C. Hélaine.
(5) L. n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation
des entreprises. Pour une vue générale, v. not. I. Urbain-Parléani (dir.), La loi
Pacte du 22 mai 2019 : le nouveau visage du droit des sociétés, Rev. sociétés 2019,
p. 565. Sur les enjeux en matière de gouvernance, v. N. Rontchevsky, « Une
gouvernance des sociétés modernisée », LPA 24 nov. 2020, n° LPA154j7.
(6) M. Lauwers, « Actionnariat salarié : le labeur et le salaire du labeur », Les Échos,
11 mars 2023.
(7) L. Croiset, « Environnement : Patagonia peut-il faire bouger les lignes du capitalisme
? », Challenges, 20 sept. 2022.
(8) Parmi de nombreuses références, v., par ex. le dossier sur la loi PACTE, in
I. Urbain-Parléani (dir.), « Le nouveau visage du droit des sociétés », Rev. sociétés
2019, p. 565 et s.
(9) D. Poracchia, « Observations sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de
vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre », RTDF 2017,
n° 4, p. 93 ; B. Parance, « La consécration législative du devoir de vigilance
des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre », GPL 18 avr. 2017,
n° GPL292t6 ; J. Heinich, « Devoir de vigilance des sociétés mères et des
entreprises donneuses d'ordre : une loi finalement adoptée, mais amputée »,
Dr. sociétés 2017, comm. 78 ; C. Malecki, « Le devoir de vigilance des sociétés
mères et entreprises donneuses d'ordre : était-ce bien raisonnable ? », BJS
mai 2017, n° BJS116j8. Pour un bilan, v. B. Teyssié, « Le plan de vigilance. Trois
années d'application », D. 2021, p. 1823.
droit des sociétés au travers de grandes lois : loi n° 66537
du 24 juillet 1966 pour les sociétés commerciales et
loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 pour le droit commun des
sociétés et les sociétés civiles. On pourrait aussi citer la loi
n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions
simplifiée (SAS), tant cette nouvelle forme sociale a révolutionné
le paysage du droit des sociétés. À ces grandes
lois se sont ajoutées d'autres lois qui, même si elles n'ont
pas opéré de véritable refonte du droit des sociétés, ont
pu, ponctuellement, introduire des évolutions. Tel a été
le cas par exemple de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001
relative aux nouvelles régulations économiques, de la loi
n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
ou encore de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019
de simplification, de clarification et d'actualisation du
droit des sociétés. Ces différents textes ont permis de
(10) Comm. UE, proposition de directive du Parlement européen et Conseil sur
le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, 23 févr. 2022,
COM(2022)71 (v. E. Schlumberger, « Devoir de vigilance des grandes entreprises
- Proposition de directive - enfin - publiée par la Commission européenne
», Dr. sociétés 2022, n° 7, p. 9 ; B. Lecourt, « Proposition de directive
sur le devoir de vigilance : le nouveau tourant du droit européen des sociétés »,
Rev. sociétés 2022, p. 310).
(11) B. François, « Loi Rixain sur la féminisation des instances dirigeantes : une
avancée en demi-teinte », Rev. sociétés 2022, p. 253.
(12) PE et Cons. UE, dir. n° 2022/2464, 14 déc. 2022. Sur ce texte, v. not.
B. Lecourt, « La " directive RSE 2 " (« directive CSRD ») : le nouveau visage
de l'information en matière environnementale et sociale », Rev. sociétés 2022,
p. 639 ; E. Rapone, J. Dessard Jacqueset et G. Koudadge, « Directive CSRD :
quels enjeux de gouvernance et sociaux anticiper ? », JCP E 2023, 1057 ;
B. Parance, « La directive CSRD, nouveau modèle du reporting extra-financier
au service de la durabilité des entreprises », JCP E 2023, 1033.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 27 juin 2023 - n O
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