Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 25 juin 2024 - Nouvelles technologies : Des Horizons élargis pour les juristes ? - 27

Actes de colloque
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Maîtriser les nouvelles technologies et leurs évolutions :
le rôle de l'enseignement
L'essentiel
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Cet article explore l'impact de l'intelligence artificielle en droit, soulignant l'importance de former les
professionnels tout en préservant l'humanisme. Trois propositions clés émergent pour comprendre,
implémenter et dépasser l'algorithme, tout en maintenant l'équilibre entre tradition et progrès.
Par
Fabien GIRARD
Président de Lexbase
Q
ue le thème de ce
48e
congrès de Deauville
de l'association Droit
& Commerce est à propos !
Combien il raisonne auprès
des professionnels du droit qui sont entièrement tournés,
à cette heure, vers l'intelligence artificielle (IA) et son
impact sur leur métier au quotidien, d'une part, et vers
l'adaptation de leurs déontologies respectives aux évolutions
technologiques et concurrentielles, d'autre part. Et,
ces deux enjeux, qui plus est, se répondent bien évidemment
l'un l'autre : c'est tout le charme de la conjonction
des urgences.
Alors, avant de m'attacher aux nouvelles technologies
et leurs évolutions pour appréhender leur impact sur la
formation des professionnels du droit, je vous propose
de partir des postulats suivants, sans quoi l'on ne saurait
mesurer les transformations gigantesques qui vont animer
l'apprentissage, le quotidien, la formation continue et
le rapport ou la distance, c'est selon, à ses missions, son
rôle, auprès de leurs clients, pour continuer, tout simplement,
à exister... professionnellement s'entend :
- les LLM (les grands modèles de langage) sont entraînés
à prédire le mot suivant dans une séquence ;
- les LLM sont capables de traiter et de générer des quantités
considérables de données textuelles à faible coût,
bien que la qualité de ce texte dépende du prompt utilisé ;
- en intégrant ces capacités dans le contexte d'un modèle
conversationnel, les LLM sont désormais à la portée de
tous.
Aussi, je m'attacherai, ici, au seul enjeu de l'enseignement,
de la formation des juristes face à l'IA, selon moi, et
ce sera déjà suffisamment révolutionnaire.
« La société où ils étaient entrés le jour de leur naissance
a passé presque sans transition de la vitesse d'une
paisible diligence à celle d'un rapide, et lorsqu'ils ont regardé
par la portière, il était trop tard : on ne saute pas
d'un train lancé à 120 km/h sur une ligne droite » écrit
Georges Bernanos dans La France contre les robots (1947).
L'opus n'est pas un essai contre la modernisation industrielle,
- la citation sonne presque avec fatalité l'arrivée
inexorable du train de la modernité -, mais une prise de
conscience humaniste face à la science et à la technologie
sans limite éthique.
Et bien l'enjeu de la formation des professionnels (du
droit), non pas face, mais sur l'IA sera bien de faire mentir
Bernanos quand il craint qu'« un monde gagné pour
la technique est perdu pour la Liberté ». La clé de voûte
existentielle des avocats, des notaires, des commissaires
de justice, des magistrats et des juristes est là : le libre
arbitre si cher à Saint Augustin.
Et cette liberté portera sur les fonts baptismaux le grand
retour de la (vraie) doctrine et de l'humanisme juridique
comme singularisation professionnelle face à l'intelligence
artificielle, pour que la qualité (humaine) contienne,
autant que possible, la quantité (algorithmique) !
I. DE LA FORMATION INITIALE,
POUR ÊTRE RESPONSABLE...
Recommandation n° 6 du rapport IA :
notre ambition pour la France
Généraliser le déploiement de l'IA dans toutes les formations
d'enseignement supérieur et acculturer les
élèves dans l'enseignement secondaire pour rendre
accessibles et attractives les formations spécialisées.
Voilà une logique bien productiviste pour une économie
positiviste comme on pouvait s'y attendre d'un tel rapport.
Pourtant, je vous propose de faire un pas de côté et faire
trois propositions pour revenir aux fondamentaux de la
liberté : comprendre, relativiser, dépasser l'intelligence
artificielle.
A. Comprendre l'algorithme
L'impératif de l'anti-boîte noire. L'axiome est clair :
la transparence est nécessaire. Je dis axiome car cette
transparence doit être indiscutable dans son principe
même si elle est nécessairement relative face au secret
des affaires.
Mais, cette transparence est non seulement nécessaire
pour une adoption massive de l'IA au quotidien mais surtout
et avant tout pour générer la confiance.
Quand on parle de transparence, il ne s'agit pas de
transformer les juristes en mathématiciens, mais de
leur permettre facilement de « soulever le capot » et
de connaître les paramètres essentiels de l'algorithme
qu'ils vont utiliser dans le cadre de leurs missions : datas
d'entraînement, patterns, discriminations induites, biais
correctifs, etc.
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 25 juin 2024 - n O hor s-sér ie 25
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