Revue - Gazette du Palais - Hors Série du 25 juin 2024 - Nouvelles technologies : Des Horizons élargis pour les juristes ? - 52

Actes de colloque
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Propos conclusifs
L'essentiel
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L'art de la synthèse est chose ardue, quand on l'improvise entièrement. Les journées de Droit & Commerce,
tant par la qualité de leurs orateurs que le sujet choisi, qui engage l'avenir, l'ont grandement facilitée. Ce qui
se résume au fond à un mot-clé : « l'effort », dans l'artisanat qualitatif du meilleur raisonnement juridique
possible.
L
toujours et elle l'est
a tâche du rapporteur
est redoutable, comme
tout
particulièrement devant
cette vénérable et remarquable
association. Elle l'est
d'autant plus que les communications
de ce colloque
ont été d'une très grande
richesse.
Par
Pierre-Yves GAUTIER
Professeur à l'université
Paris-Panthéon-Assas,
directeur de l'École de
droit
Il s'agit tout bonnement, si
l'on veut synthétiser le propos
en une phrase, de notre
avenir. Quelles que soient
nos générations, et nos
métiers - les barreaux, les
experts-comptables et commissaires
aux comptes, administrateurs judiciaires, les
entreprises, etc. Cela concerne, s'agissant des avocats,
leurs collaborateurs et stagiaires. Les juridictions et leurs
magistrats. Mais au-delà, cela touchera nos enfants, nos
petits-enfants, les générations qui viennent.
Il s'agit encore et c'est le fil conducteur général de ce
colloque, de l'apprentissage. On a beaucoup entendu
parler depuis hier, de l'apprentissage. Apprentissage par
l'algorithme, pour y intégrer toutes les données à partir
desquelles il va « se former », puis restituer et nous indiquer
ainsi tout ce que nous pouvons ou devons faire, nous
fournir des conseils.
Mais on n'a pas tellement parlé de l'apprentissage de
l'être humain. Une question a été posée au sujet des
professeurs. Il y a un apprentissage, celui de nos élèves
d'abord, avant même l'Université, dans les écoles et les
lycées et se pose la question de savoir si l'on bascule de
manière irrévocable et résolue vers la technologie de très
haut niveau, qui est de toute façon merveilleuse et géniale...
On est à un tournant de civilisation. Qui va le nier ?
La question est de savoir si de ce fait, on choisit un apprentissage
essentiellement dédié aux nouvelles technologies.
Et c'est alors celle de savoir si de ce fait on permet à ceux
que l'on forme d'économiser leur propre énergie, leur
propre intelligence, puisqu'une intelligence artificielle,
l'IA, va tout faire à leur place. Donc la question est de savoir
si l'on doit s'en remettre essentiellement à l'IA.
Emmanuelle Filiberti m'a fourni l'exemple qui sert à mon
introduction, celui que j'attendais, en évoquant Fernand
Labori, immense avocat et, comme elle l'a dit, pionnier de
l'édition juridique. Il avait été quitté par la plupart de ses
clients pendant l'affaire Dreyfus, parce qu'il avait défendu
NDA : Le style oral de l'intervention a été conservé.
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le capitaine et obtenu une révision du procès, avec son
équipe d'avocats à la Cour et aux Conseils, de Politiques,
d'écrivains (Zola...). Il est allé contre vents et marées se
battre, convaincre les juges de prononcer l'annulation des
décisions antérieures, les convaincre que soient revus les
preuves et le droit applicable. C'était la Cour de cassation,
avec le président Ballot-Beaupré, qui, alors que l'ambiance
n'était pas très bonne, a changé l'Histoire, grâce
au courage et à l'intelligence humaine.
Le courage et l'intelligence peuvent obtenir l'impossible.
C'est la supériorité humaine sur l'IA : la bravoure, l'énergie,
la puissance de la pensée.
« La puissance de la pensée », c'est quelque chose. C'est
le président Antoine Diesbecq qui a utilisé cette magnifique
expression. La puissance de l'algorithme, c'est bien,
mais la puissance de la pensée humaine, c'est encore
mieux.
Une pensée et évidemment, un raisonnement. Tout au
long des travaux, on a eu cette opposition dialectique
entre d'un côté la modélisation, évoquée par le président
Vincent Vigneau, le mimétisme, et d'un autre côté le choix,
le raisonnement, l'imagination, parce que dans la part du
juriste (et c'est un professeur assez sévère qui le dit !),
l'imagination est importante. S'il n'y a pas d'imagination,
il n'y a pas beaucoup de droit et pas tellement de solutions
qui puissent être trouvées autrement qu'en se répétant à
l'infini, recherchant les précédents, ce qui est désormais
très facile, en utilisant les bases de données classiques ou
un algorithme, plus élaboré.
Le droit est avant tout un effort intellectuel.
Par conséquent, là encore comme l'a dit Vincent Vigneau,
le fait que les décisions portent sur les mêmes faits ou
des faits analogues, c'est une chose. Mais c'est à partir
des questions de droit que le raisonnement pour conduire
à la solution, le choix dans la méthode d'interprétation,
les arguments des avocats ayant eux-mêmes procédé à
leurs propres recherches, seront décisifs ; c'est ainsi que
le droit se construit.
Tout cela m'a donné mon plan, en vous écoutant les uns
et les autres. Il n'est pas question d'être entièrement critique,
à l'égard des nouvelles technologies appliquées à
nos métiers. Il s'agit d'en avoir la vue la plus objective
possible. Il est clair que les nouvelles technologies, l'IA
dont on a surtout parlé, constituent un service qui permet
d'économiser les forces de l'être humain. Ce sera
mon premier point. Mais il est clair aussi que le droit se
construit par l'effort de l'être humain. Ce sera mon second
point.
GAZETTE DU PALAIS - mardi 25 juin 2024 - n O
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