Revue - Gazette du Palais édition spécialisée n° 242-2015 - 39

Actes de Colloque

d'une meilleure adhésion des acteurs économiques : ayant
affaire à une justice (au moins en partie) négociée, elle
sera plus spontanément exécutée.

Les attentes des acteurs
économiques pourraient facilement être
satisfaites par un autre que le juge
ou l'arbitre

Aujourd'hui, les États-Unis disposent d'un des systèmes
les plus avancés et les plus efficaces en la matière (8).
Ainsi, la plupart des États américains ne se contentent pas
d'une simple proposition de négociation, mais imposent
aux parties la recherche d'une solution négociée avant
tout procès (9). Désormais, dans certains États de l'Union
européenne, le passage préalable par une négociation
conditionne la recevabilité même de l'action judiciaire (10).
La typologie des affaires susceptibles de trouver une issue
négociée est triple : les petits litiges, mais également les
litiges entre actionnaires et les actions indemnitaires que
connaît le droit de la concurrence à la suite d'une sanction
prononcée par l'Autorité de la concurrence (11).
Il y a quelques mois à peine, le doyen Serge Guinchard
faisait un état des lieux complet des changements intervenus en matière de procédure civile (12). Nombre d'entre eux
concerne le droit économique et ses acteurs, qu'il s'agisse
de changement dans les modes de communication (le
réseau privé virtuel des avocats et la disparition des audiences, programmée pour le bonheur des magistrats...)
ou du changement dans le rôle du juge et des parties, avec
ce que le doyen Serge Guinchard considère être une exclusion progressive du justiciable du prétoire.
Se dessinent alors des principes nouveaux structurant
l'instance : la confiance (sous-tendue par le principe de
loyauté, notamment dans la recherche de la preuve),
l'écoute (favorisant le dialogue, donc la contradiction) et
la proximité (avec la célérité en contrepoint), qui sont,
somme toute, trois attentes propres aux acteurs économiques dans leur relation avec le juge.
Ces attentes pourraient aussi facilement être satisfaites
par un autre que le juge ou l'arbitre, qu'on l'appelle
« médiateur », « conciliateur », « tiers de confiance »,
« facilitateur », quel que soit le nom qu'on lui donne, dès

(8) Ibid.
(9) Ainsi en est-il de l'État du Maine, qui impose le principe d'une solution négociée en matière civile (Maine Rules of Civil Procedure, Rule 16B) : « All parties to
any civil action filed in or removed to the Superior Court, except actions exempt in
accordance with subsection (b) of this rule, shall, within 60 days of the date of the
Rule 16(a) scheduling order, schedule an alternative dispute resolution conference
which conference shall be held and completed within 120 days of the date of the Rule
16(a) scheduling order. »
(10) Commission européenne, « Livre vert sur les modes alternatifs de résolution
des conflits relevant du droit civil et commercial », 19 avr. 2002, note 64 :
« En application d'une loi fédérale du 15 décembre 1999, dans certains Länder
allemands il est obligatoire de recourir préalablement à la procédure d'ADR,
dénommée « Schlichtung », pour que l'action devant le tribunal soit recevable. »
(11) Entretien avec F. Gentin : JCP E 2014, 1589.
(12) S. Guinchard, « Le changement en procédure civile » : RDA févr. 2015,
p. 132.

lors qu'il s'agit de celui ou celle susceptible de permettre
aux parties au litige de parvenir à une solution librement
consentie sous son égide. Ce tiers écouterait les parties et
favoriserait la recherche d'une solution amiable. En outre,
sa proximité avec la matière du débat rendrait aisé un dialogue avec les parties et leurs conseils et légitimerait ses
avis et recommandations.

II. LE REGARD DU PRATICIEN
SUR LES PISTES JURIDIQUES RÉCENTES
DU DROIT FRANÇAIS POUR FAVORISER
LES SOLUTIONS NÉGOCIÉES
Le législateur et les praticiens se sont bien sûr déjà
penchés sur les attentes des acteurs économiques, qui
recherchent pragmatisme, simplicité et efficacité. Les
mécanismes déjà en place ont ainsi fait de l'avocat un acteur essentiel du processus de recherche d'une solution
négociée entre les parties (A). La réforme du droit processuel (B) et la création envisagée de nouvelles institutions
dédiées (C) y participent également.

A. Le rôle décisif de l'avocat dans la solution permise
par une convention de procédure participative
Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la convention de procédure participative avait nourri beaucoup
d'espoirs chez les professionnels du droit. Elle consiste
en la conclusion d'une convention entre les parties à un
conflit et leurs avocats, en vue de rechercher, ensemble,
une solution constructive dans une démarche de discussion. Cette procédure a été instaurée par l'article 37 de la
loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 puis est entrée en
vigueur le 23 janvier 2012 (D. n° 2012-66, 20 janv. 2012).
Constituant le titre XVII du Livre III du Code civil, la convention de procédure participative est considérée comme
une nouvelle forme de règlement amiable des litiges.
L'article 2062 du Code civil la définit comme « une convention par laquelle les parties à un différend n'ayant pas
encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre
s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la
résolution amiable de leur différend. »
Cette convention de procédure participative s'inscrit dans
la volonté de satisfaire un besoin. Toutefois, tant que la
pratique n'aura pas intégré cet outil en en faisant un usage
répété, cette « procédure participative » ne présentera
pas d'intérêt pour les acteurs économiques. En effet, à
ma connaissance, cet outil a été relativement peu utilisé
jusqu'à aujourd'hui, « rejeté par les professionnels du
droit pour de mauvaises raisons » (13).
À mes yeux, ce texte devrait être modifié pour permettre
cette recherche conjointe et de bonne foi de résolution
amiable du différend quand bien même celui-ci seraitil déjà soumis à un juge ou à un arbitre. La pratique
démontre qu'en cours de procédure judiciaire ou arbitrale, et parallèlement au contentieux qui bat son plein,
les conditions peuvent être réunies pour permettre la
recherche d'un accord. L'« ouverture » et le « réalisme »
incitent à proposer une modification de l'article 2062 du
Code civil afin de faire tomber un obstacle qui n'a pas lieu

(13) H. Moutardier, « Plaidoyer pour une nouvelle lecture de la procédure participative » : Gaz. Pal. 24 mars 2015, p. 7, n° 217t3.

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