Revue - Gazette du Palais édition spécialisée n° 242-2015 - 42

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valeur absolue encadrés dans une fourchette. Son avantage est de laisser la place « à une discussion concrète sur
ce qu'il en coûtera effectivement à l'entreprise qui opte
pour la transaction au lieu de se défendre » (25).

5. Le caractère obligatoire d'une clause de règlement
amiable du différend en matière judiciaire
Dans un arrêt important de 2003, la Cour de cassation avait estimé que « la clause d'un contrat instituant
une procédure de conciliation (...) constitu[ait] une fin
de non-recevoir » (26). Par cette décision, la Cour consacrait l'efficacité des clauses prévoyant un préliminaire de
conciliation au cas où un différend surviendrait entre les
parties à un contrat (27). En effet, le caractère obligatoire de
la clause de conciliation préalable implique que sa violation rende l'action devant les juges irrecevable. Une partie
de la doctrine considère que cette solution vaut en matière
d'arbitrage, où les parties sont autorisées, en cas de blocage, à solliciter l'assistance du juge en vue d'obtenir une
exécution en nature de la clause de conciliation (28).
Cette jurisprudence était restée constante depuis lors (29).
Elle a d'ailleurs été confirmée par plusieurs décisions
de 2014, émanant aussi bien de la chambre commerciale (30) que de la première chambre civile (31) de la Cour
de cassation.
Mais plus encore, la Cour de cassation a récemment choisi
de rigidifier sa position en précisant les conséquences
qu'elle entendait faire découler de sa jurisprudence. Elle
a ainsi jugé que « [l]a situation donnant lieu à la fin de nonrecevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause
contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et
préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du
litige par le recours à un tiers, n'est pas susceptible d'être
régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours
d'instance » (32).
Cette décision d'importance a été abondamment commentée. En effet, ses conséquences sont on ne peut plus
radicales : confrontées à une telle hypothèse, les parties
en litige (singulièrement la demanderesse, à laquelle la
violation de la clause sera opposée par son adversaire) seront contraintes de mettre en œuvre de bonne foi la clause

(25) D. Théophile, « Introduction de la transaction par la loi Macron. Un réel progrès pour les entreprises » : Lettre des juristes d'affaires 9 mars 2015, n° 1199,
p. 1.
(26) Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, nos 00-19423 et 00-19424 : Bull. ch. mixte,
n° 1.
(27) X. Lagarde, « La fin de non-recevoir tirée d'une clause instituant un préalable
obligatoire de conciliation » : Bull. inf. C. cass., févr. 2003, hors-série.
(28) Ibid.
(29) Cass. com., 17 juin 2003, n° 99-16001 : Bull. civ. IV, n° 101 - Cass. 1re civ.,
30 oct. 2007, n° 06-13366 : Bull. civ. I, n° 329.
(30) Cass. com., 3 juin 2014, n° 12-17089 : RDC 2015, p. 86, note C. Pelletier.
(31) Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-17920 : RDC 2015, p. 88, note C. Pelletier.
(32) Cass. ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19684 : JCP G 2014, 1328 ; RLDC
2015, p. 17, n° 213 ; RJDA n° 3/15, n° 226. V. aussi S. Amrani-Mekki, « L'impossible régularisation de la fin de non-recevoir tirée du non-respect d'une
clause de conciliation préalable » : Gaz. Pal. 10 mars 2015, p. 9, n° 215t9.
C. Boillot, « Quelle sanction procédurale pour les clauses de conciliation obligatoire ? » : D. 2015, p. 298 ; H. Kenfack, « La reconnaissance des véritables
clauses de médiation ou de conciliation obligatoire hors de toute instance » :
D. 2015, p. 384 ; C. Noblot, « La clause de médiation préalable et obligatoire » : Contrats, conc. consom. 2015, p. 35 ; T. Amico et V. Maramzine,
« Les conséquences pratiques de la jurisprudence visant les clauses de conciliation » : JCP G 2015, n° 309.

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de conciliation ou de médiation préalable avant de pouvoir
saisir à nouveau le juge, le cas échéant, en espérant que la
prescription n'aura pas été acquise entre-temps.
En matière d'arbitrage, les clauses enjoignant aux parties
de trouver une solution amiable avant de saisir un tribunal arbitral sont fréquentes. Si les arbitres ont tranché
le litige opposant les parties malgré l'absence de phase
amiable préalable, la sentence rendue pourra-t-elle être
remise en question dans le cadre d'une action en annulation ou d'une procédure d'exequatur ? Pour la doctrine,
cette question n'est pas tranchée (33).
Mais il me semble qu'étendre la jurisprudence de 2014,
propre au contentieux judiciaire, aux instances arbitrales
ferait perdre à l'arbitrage la souplesse mais aussi l'attractivité qui le caractérise. En outre, cette solution très
stricte, exempte de toute souplesse, serait nuisible à la
recherche d'une solution au litige des parties puisqu'elle
serait de nature à bloquer en amont du processus arbitral
toute possibilité de le mener à son terme, alors que les
parties auraient pourtant préalablement souhaité recourir
à l'arbitrage, dans une clause compromissoire ou dans un
compromis d'arbitrage. L'impossibilité de régularisation
en cours d'instance est excessive et pourrait conduire à un
désintérêt des parties pour l'arbitrage si elles savent que
l'absence de conciliation préalable leur fermera la porte
de l'arbitrage.
La jurisprudence actuelle en la matière est d'ailleurs bien
plus nuancée que celle qui s'est développée pour l'instance judiciaire : à s'en tenir aux sentences prononcées
sous l'égide de la chambre de commerce internationale
(CCI), des défendeurs ont naturellement été amenés à se
prévaloir de l'irrecevabilité de la demande d'arbitrage sur
le fondement de la méconnaissance ou de l'observation
insuffisante de l'obligation de rechercher une solution à
l'amiable.
Face à ce type d'objection, la Cour internationale d'arbitrage de la CCI peut décider que l'arbitrage aura lieu
si, prima facie, elle estime possible l'existence d'une
convention d'arbitrage visant le règlement d'arbitrage de
la CCI. Elle laisse alors le soin au tribunal arbitral, une
fois constitué, de statuer sur le respect des dispositions
d'arbitrage sur le fondement de la méconnaissance ou de
l'observation insuffisante de l'obligation de rechercher de
la clause de règlement des différends par les parties.
Pour leur part, confrontés à un moyen tenant en l'absence de mise en œuvre d'une clause de conciliation ou
de médiation préalable, les tribunaux arbitraux adoptent
en général un raisonnement en deux temps : ils vérifient
d'abord si les parties étaient dans l'obligation de rechercher une solution amiable à leur différend avant de faire
appel à l'arbitrage. Si tel est bien le cas, ils examinent
alors les faits afin de déterminer si cette obligation a été
respectée.
Les arbitres ont estimé que lorsque la clause de règlement des différends rend facultatif le recours au mode
alternatif de règlement prévu, l'une ou l'autre des parties
peut soumettre une demande d'arbitrage à tout moment.

(33) C. Dupoirier et G. Travaini, « Le non-respect d'une clause de conciliation n'est
pas susceptible de régularisation en cours d'instance » : Gaz. Pal. 7 mars 2015,
p. 14, n° 215n1.

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