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Actes de Colloque
Des ex-époux se disputaient lors de la liquidation de leur
régime matrimonial au sujet de la valeur de parts sociales
dont l'épouse était titulaire et qu'elle avait revendues
seule, à ses parents, au prix de 4 000 € durant l'indivision
post-communautaire, alors que l'expert les avait ultérieurement estimées à... plus de 75 000 €. Les juges du fond
avaient décidé de retenir cette dernière valeur et l'épouse
avait formé un pourvoi.
La Cour de cassation retient la même analyse que précédemment, à savoir que les parts n'appartiennent pas
à l'indivision post-communautaire : « À la dissolution de
la communauté, la qualité d'associé attachée à des parts
sociales non négociables dépendant de celle-ci ne tombe
pas dans l'indivision qui n'en recueille que leur valeur, de
sorte que le conjoint associé peut en disposer seul et que
ces parts doivent être portées à l'actif de la communauté
pour leur valeur au jour du partage. »
L'intérêt de la décision est double :
- d'une part, l'époux associé peut céder seul les parts
sociales à titre onéreux. Mais sur ce point, la décision
s'inscrit sans surprise dans l'analyse déjà connue de la
Cour de cassation ;
- d'autre part - et le propos est plus novateur -, l'évaluation des parts doit se faire au jour du partage, malgré la
cession opérée durant l'indivision : ce n'est dès lors pas
la valeur de cession qui doit être portée à l'actif commun ;
peu importe donc cette valeur.
En retenant la valeur au jour du partage, on procède
comme si les parts étaient restées dans l'indivision : la valeur est alors déconnectée de l'appartenance du bien à la
masse indivise afin de protéger les droits des indivisaires.
Bref, si une telle construction porte des enjeux doctrinaux et que la cohérence du modèle mis en place par la
Cour de cassation n'est pas toujours totale, on voit bien en
revanche les lignes directrices choisies par la haute juridiction : concilier une autonomie maximale du titulaire des
parts sociales avec une protection des indivisaires quant à
la valeur des parts. C'est pragmatique.
B. La séparation de biens
Le financement des acquisitions immobilières d'époux
séparés de biens et la contribution aux charges du mariage : un déluge d'arrêts (Cass. 1re civ., 12 juin 2013,
n° 11-26748 - Cass. 1re civ., 25 juin 2014, n° 13-14326 -
Cass. 1re civ., 16 sept. 2014, n° 13-18935 - Cass. 1re civ.,
24 sept. 2014, n° 13-21005 - Cass. 1re civ., 8 oct. 2014,
n°s 13-21613 et 13-24949 - Cass. 1re civ., 5 nov. 2014,
n° 13-23557 - Cass. 1re civ., 19 nov. 2014, n° 13-26388).
La haute juridiction le redit cette année dans un arrêt
en matière d'indivision entre concubins (Cass. 1re civ.,
19 mars 2014, n° 13-14989) : « les personnes qui ont
acheté un bien en indivision en ont acquis la propriété,
sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée. »
Par conséquent, l'acte d'acquisition fixe définitivement
la propriété de chacun et la « surcontribution » d'un des
époux ou d'un concubin ne peut en aucun cas conduire à
un réajustement de la propriété indivise.
C'est donc sur le terrain de la demande d'indemnisation pour un financement excédentaire que les litiges se
forment.
S'agissant de la jurisprudence relative aux époux séparés
de biens, que faut-il retenir ?
1. Cette revendication d'une créance suppose comme préalable que l'époux demandeur fasse la preuve de l'origine
des fonds lui ayant permis de financer le logement familial
au-delà de sa part.
2. Il suffit qu'il soit prétendu que les surpaiements étaient
inclus dans l'obligation de contribuer aux charges du mariage pour que les juges du fond aient l'obligation de se
prononcer sur ce point.
La Cour de cassation sanctionne les cours d'appel qui
n'auraient pas procédé à cette recherche lorsqu'elle était
demandée (Cass. 1re civ., 24 sept. 2014, n° 13-21005 - Cass.
1re civ., 8 oct. 2014, n° 13-24949) : « Qu'en se déterminant
ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé,
si le paiement des échéances d'emprunts nécessaires à
l'acquisition du logement familial et des autres dépenses
ne participait pas à l'exécution de l'obligation de M. X de
contribuer aux charges du mariage à proportion de ses
facultés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision. »
3. La seule manière de donner une efficacité à la revendication de la créance est alors de démontrer que les
paiements qui ont eu lieu excédaient la contribution aux
charges du mariage : au regard de l'article 214 du Code
civil, cette démonstration repose sur un dépassement par
l'époux de ses facultés contributives, non dans le cadre
d'un achat particulier mais par rapport à sa contribution
globale aux charges du mariage.
Pour qu'une dépense constitue une charge du mariage, ce
qui importe n'est pas tant que la dépense constitue aussi,
parallèlement, un investissement, que :
- d'une part, sa conformité à des objectifs familiaux que
doivent réaliser les charges du mariage ;
Devant un tel déluge, il est bien sûr impossible de prendre
les arrêts par le menu. Il faut synthétiser. D'ailleurs tous
ces arrêts n'apportent rien de bien neuf par rapport à la
construction développée par les arrêts de 2013.
- d'autre part, sa proportionnalité aux ressources du solvens : il faut que celui qui a payé n'ait pas dépassé ses
capacités financières fixées selon l'article 214 du Code
civil.
La question est désormais trop connue pour la reprendre
dans le détail : il s'agit des rééquilibrages financiers demandés par un époux qui prétend avoir payé au-delà de sa
part lors d'une acquisition immobilière faite indivisément
par les époux.
Le surfinancement de l'acquisition du logement principal de la famille répond plus facilement à ces conditions
que le surfinancement d'une résidence secondaire ; aussi
les juges sont-ils tentés de présumer que le financement
du logement familial constitue une charge du mariage.
Néanmoins, rien n'exclut qu'une résidence secondaire
réponde à ces conditions, dès lors que les revenus du solvens lui permettent de donner ce train de vie à sa famille,
comme l'a jugé la Cour de cassation l'an dernier (Cass.
1re civ., 18 déc. 2013, n° 12-17420).
Sur le plan de la propriété, on sait que la Cour de cassation s'intéresse au titre, sans avoir égard au financement
(Cass. 1re civ., 31 mai 2005, n° 02-20553 - Cass. 1re civ.,
15 déc. 2011, n° 10-27654).
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